Une question s’impose lorsque l’on referme cet album : qu’est-ce que c’est que ce truc ? Déjà, le titre. Peut-être a-t-on cherché à faire dans l’original pour se démarquer de la concurrence ? En tout cas, pas facile de le noter en pense-bête sur un petit post-it avant d’aller à la librairie. Mais bon, à la limite, passe encore.
Les illustrations ensuite. C’est terne, une sorte de bichromie où les couleurs sont tristes à pleurer (rien de plus normal avec un sujet pareil, mais tout de même). On va sans doute nous sortir l’argument de l’univers à la Tim Burton pour qualifier positivement le style de l’illustrateur. S’il y a un vague petit air de ressemblance, on est quand même loin du compte.
L’histoire, enfin. Alors là, pour le coup, c’est mon gros coup de gueule. Le point de départ est classique et un brin gnangnan, mais il peut se défendre : oui, il n’y a pas que l’apparence, oui certains physiques «difficiles» cachent une pureté d’âme exceptionnelle. Et après ? C’est là que tout s’enchaîne et que l’on perd le fil : c’est la guerre. La famille disparaît. Lulu part à la recherche d’une petite fille aussi moche que lui.
Et on en rajoute dans les détails sordides : « c’était une petite fille vraiment très laide couverte de clous en or plantés un peu partout dans le corps. Certains étaient enfoncés dans ses yeux mouillés de chagrin mais les larmes ne s’écoulaient pas simplement de ses yeux, elles coulaient de tout son visage, la peau de porcelaine fissurée comme un vase rempli d’eau qui se brise. »
Et les deux enfants de s’automutiler : « Pour être certain de ne jamais plus être séparés, Lulu découpa la petite fille vraiment très laide en plein milieu du ventre, il lui enleva un bras, une jambe, puis fit de même avec lui. »
Et peut-être qu’après tout, tout cela n’est qu’un vilain rêve.
J’avoue humblement que je n’ai rien compris et surtout, c’est bien là le pire, que ce texte ne m’a pas touché une seule seconde. C’est gratuitement glauque, on en fait des tonnes dans le coté horrifique et désespéré de la situation sans aucune légèreté.
Finalement, on se demande à qui s’adresse cet album. La quatrième de couverture nous apprend que c’est un conte moderne « pour les vilains gamins et pour tous ceux qui sommeillent en chacun de nous ». Soit. Une chose est certaine. Si je lis ça un soir à mes filles de 5 et 8 ans, c’est le cauchemar assuré.
Il me semble que les auteurs ont juste voulu se faire plaisir sans penser à un quelconque public destinataire. Après tout, pourquoi pas puisqu’un éditeur les a suivi dans leur démarche créative. Personnellement, j’ai l’impression d’être face à une œuvre sans intérêt autre que celui de terrifier l’éventuel petit lecteur qui aura eu le courage d’attaquer la première page.
Alors que reste-t-il pour sauver cet album ? Son prix ? Même pas. 16,50 euros pour 36 pages dans un petit format carré 21x21 cm, on n’est pas loin du foutage de gueule. Décidément, il est rare qu’un ouvrage de littérature jeunesse cumule autant de points négatifs. Attention cependant, cet avis n’engage que moi et j’encourage d’autres lecteurs à découvrir cette monstrueuse histoire. J’aimerais beaucoup savoir si c’est moi qui suis à coté de la plaque où si mon point de vue très négatif est partagé.
La monstrueuse histoire d'un petit garçon moche et d'une petite fille vraiment très laide, de Ludovic Huart et Fabrice Backes, éditions Des ronds dans l’O, 2010. 36 pages. 16,50 euros. A partir de ? ans.
L’info en plus : Les Ronds dans l’O est un petit éditeur de bandes dessinées qui s’est notamment fait remarqué en 2009 grâce à la publication de l’excellent album collectif En chemin elle rencontre..., un recueil regroupant des histoires courtes sur le thème des violences faites aux femmes.