Je vous parle mieux en écrivant. Mais aussi par le bas du
ventre. Chaque fois qu’un mot arrive, je vous l’adresse. Nous avons tous les
deux les corps qui s’attendent. Nous avons tous les deux les corps qui nous
quittent pour rejoindre celui de nous qui n’est pas là.
*
Tu me restitues plus vraie que moi. Si je regarde un coquelicot, c’est un
baiser. Je suis allée aimer au lieu de toi cet endroit retenu encore. Nous
allons nous marier puisque tu veux. Je t’aime énormément l’énormité que tu me
donnes ricoche en moi comme une balle perdue, je suis impossible à aimer si
énormément.
*
Tu me demandes si ça existe d’autres mots pour dire je t’aime. Répondre qu’il
n’y a pas d’autres mots que ceux-là en train d’être dits par toi. Répondre que
le poète ne remplace pas les mots par d’autres mots.
*
Une pluie fine à mouiller les mariés, une pluie de riz comme il neige depuis. Je
dois pouvoir te pénétrer à tout moment. Les lèvres d’une femme sont nombreuses,
êtes-vous d’accord, vous hochez la tête, vous étiez d’accord. Le lit est assez
grand pour rester fermé, ta main ne revient pas et le matelas ouvre la trappe.
Il y a un cri qui tombe à la fin. J’ai bien fait d’avoir tout fait, j’ai bien
fait car nous l’avons fait. Ensuite nous regagnons nos places, le travail du
jardin que je prépare doucement.
*
Mon objet préféré n’est pas le mot, mon objet préféré est le mouvement du mot.
Celui de nous qui se tient à côté lui fait signe d’avancer ou de reculer, la
marche du mot de vous à moi. Vous réclamez que ça recommence sous la couette
tant de fois. Vous faisiez cela très bien chaque jour aussi souvent. Dans le
lit il n’y a pas que des corps, le sommeil nous dépasse, autour c’est déjà trop
loin.
*
Deux corps qui se touchent sont un même mot roulé en boule au pied d’une seule
page. C’est pour vous dire les petite choses sur mon ventre vigoureuses
rebondissantes, heureuses d’avoir plongé dans mon sexe, turbulentes
incandescentes combien vous êtes présent.
Isabelle Pinçon, Lhommequicompte, p.11,
17, 25, 30, 37, 65 ( Cheyne, 2006)
par Ariane Dreyfus