Résumé : Cadre dans une major du disque, Aaron Green (Jonah Hill) est chargé de ramener le rockeur Aldous Snow (Russell Brand) de Londres à Los Angeles pour un concert anniversaire. Une mission simple en apparence, mais qui s’avère très délicate quand on a en charge un artiste alcoolique, drogué, queutard et imprévisible…
Plus encore qu’une suite, la production du spin off d’un film est un exercice délicat, très peu souvent couronné de succès, en particulier artistiquement parlant. Il n’y a qu’à voir les très mauvais Wolverine, Elektra, ou encore Evan tout puissant et Le Roi Scorpion pour s’en convaincre. Il faut dire que la plupart du temps, ces spin offs sont produits pour des raisons bassement mercantiles, afin d’exploiter sans trop se fouler l’univers d’un film ayant cartonné (ou parce que l’acteur principal de l’original n’a pas voulu tourner de suite, dans le cas d’Evan tout Puissant). Mais comme pour les suites, il arrive parfois, (très) rarement que le spin off égale l’original, voire le surpasse, comme dans le cas de Get him to the Greek.
A la base de Get him to the Greek, il y a la sympathique comédie romantique Sans Sarah, rien ne va (Forgetting Sarah Marshall). Ecrite par Jason Segel (le Marshall de How I met your Mother), cette comédie racontait les déboires post rupture d’un trentenaire (Segel) n’arrivant pas à oublier la fille l’ayant plaqué (Sarah Marshall donc, incarnée par Kristen Bell). Manque de bol pour lui, alors qu’il pensait soigner son vague à l’âme en partant à Hawaï, il s’apercevait que son ex avait décidé de se rendre sur l’île au même moment, en compagnie de son nouveau boyfriend, le rockeur britannique Aldous Snow. Un personnage excentrique et totalement halluciné, interprété par le showman Russell Brand, et qui réussissait à sauver le film de l’oubli immédiat. D’où la bonne idée du producteur Judd Apatow et du réalisateur Nicolas Stoller de mettre en chantier un film sur ce personnage hors du commun. Get him to the Greek raconte donc le périple / calvaire du pauvre Aaron Green (Jonah Hill), chargé par son boss d’accompagner le rockeur Aldous Snow de Londres à Los Angeles pour un concert anniversaire. Une mission bien évidemment beaucoup plus ardue qu’il n’y parait, Snow étant un électron libre capricieux, alcoolique, drogué, accro au sexe et n’en faisant qu’à sa tête.
Disons-le tout net, Get him to the Greek est certainement l’une des meilleures comédies américaines de l’année. Car si les sympathiques Date Night et Hot Tub Time Machine avaient rempli leur office et provoqué de nombreux rires, il faut avouer qu’ils restent très sages à côté de ce film rocknroll et jusqu’auboutiste. Libéré de toute contrainte (il officie ici à la fois en tant que scénariste et réalisateur), Nicolas Stoller embrasse totalement son sujet et se permet les délires les plus extrêmes, certainement encouragé par son producteur. A l’image de son personnage principal, Get him to the Greek est une explosion de folie, enchainant les vannes et scènes cultes à une allure démentielle, à tel point qu’on se demande constamment quand cela va s’arrêter, le tout culminant dans une débauche de folie dans un penthouse à Las Vegas (impossible d’en dire plus sans ruiner la surprise de cette scène qui restera certainement dans les annales). L’alchimie entre Russell Brand et Jonah Hill est parfaite, et leur duo fonctionne à merveille, leurs talents comiques respectifs se complétant totalement. On rit tout autant de la folie furieuse du personnage d’Aldous Snow que des déboires du pauvre Aaron, coincé entre son boulot et son statut de fan, incapable de faire entendre raison à la star. Et pour le plus grand plaisir du spectateur, le pauvre Aaron apprendra dans la douleur (il sera obligé d’ingurgiter des quantités astronomiques d’alcool, de drogues toutes plus illicites que les autres, se fera violer par une nymphomane, aura une attaque cardiaque, etc) qu’emmener une star du rock d’un point A à un point B est loin d’être un job de tout repos.
Mais comme dans toute comédie Apatow qui se respecte, Get him to the Greek propose plus qu’une simple enfilade de gags plus ou moins grossiers. Les personnages sont comme toujours plus fouillés que la moyenne, et à l’instar de Funny People (dont il reprend le concept de la relation vampirisante star/fan), le film évolue dans sa dernière demi-heure sur une pente plutôt émouvante, mettant à jour les fêlures de sa star adulée puis honnie, aimée puis isolée. Stoller se permet même de dresser un constat assez amer de l’exploitation des artistes par l’industrie musicale au travers du producteur sans scrupule incarné par Sean « P. Diddy » Combs (révélation du film). Celui-ci est uniquement préoccupé par le pognon qu’il peut engranger, sans tenir compte des aspirations de ses employés (il se moque ouvertement d’eux, les insulte au téléphone, les jette ouvertement et sans préparation dans la gueule du loup) ou des artistes qu’il manage (il les manipule, quitte à leur fournir de la drogue, ou même à les envoyer sur scène blessés). Enfin, et peut-être surtout, Get Him to the Greek est une énorme déclaration d’amour au rock, à travers l’attitude de son héros, mais aussi des chansons qui parsèment le film (notamment celles interprétées par Russell Brand himself), ainsi que de l’excellent concert final où le rire dû aux paroles décalées des chansons le dispute à l’émotion de voir Aldous Snow entrer en communion avec son public.
Note : 8/10
USA, 2010
Réalisation : Nicolas Stoller
Scénario : Nicolas Stoller
Avec : Russell Brand, Jonah Hill, Sean « P. Diddy » Combs, Rose Byrne