Le lendemain, je me réveille le sourire aux lèvres, un peu hébétée sous le coup de l’alcool et de la jolie soirée passée avec mon petit Hongrois.
Puis le doute m’assaille.
Ca garçon que je n’appelle pas encore Prince, mais dont je ne sais pas prononcer le prénom correctement et encore moins l’épeler, ce Prince-en-devenir aurait-il osé résister à l’un de mes caprices, deux heures après notre premier baiser ?
Je tente de dissiper la brume vodkaesque qui fait obstacle à mes souvenirs. Je ne sais plus bien ce que j’ai dit, ou plutôt ce que j’ai exigé, mais une chose est sûre : lorsque je suis partie à toutes jambes à l’étage supérieur pour bouder, Prince ne m’a pas courue après. Il ne m’a pas implorée de rester auprès de lui pour l’illuminer de mon sourire ravageur. Pis, il est retourné tranquillement dans sa chambre en attendant que j’aie fini mon caprice, sûr que je reviendrai, la queue entre les jambes.
Non seulement il avait raison, mais à mon retour, il ronflait bruyamment, allongé tout habillé sur son lit (vision sexy s’il en est).
Ce matin, trois possibilités s’offrent donc à moi :
1. Mettre mon comportement sur le compte de l’alcool et ignorer royalement Prince. Il n’avait qu’à me courir après quand je suis partie bouder, na.
2. La prochaine fois que je le croise, lui lâcher un petit sourire gêné, genre « c’était sympa, mais j’ai une réputation à préserver, moi »
3. Assumer pleinement, et proposer à Prince de tirer le meilleur parti des cent heures qui nous restent à passer dans la même ville. Sans penser au lendemain, hein ; je suis peut-être une fille, mais je sais me tenir.
Sans surprise, je privilégie la troisième solution, qui me semble présenter le plus de risques. J’entrouvre donc – le plus discrètement possible – ma porte dans l’espoir de guetter le lever du futur Roi-soleil. A 15 heures, le voici qui émerge péniblement de sa chambre. Le dortoir étant petit, je repère aussitôt sa mine défraichie et, plus enjouée que jamais, lui propose d’aller boire un café pour se remettre des excès de la veille.
La, je lis pour la première fois dans les yeux de Prince un sentiment que j’y retrouverai maintes et maintes fois tout au long de notre relation : la panique à l’état pur. Son regard de biche prise dans les phares de voiture (ou de Roi marchant vers la guillotine, au choix) n’augure rien de bon.
Mais je ne m’appelle pas Bulldozer pour rien. A l’attaque.