L'élégance du maigrichon

Par A_girl_from_earth


L'ÉLÉGANCE DU MAIGRICHON

Après le délirant Et si c'était niais? dans lequel Pascal Fioretto s'était attelé au difficile exercice de pasticher avec un humour caustique quelques grands noms de la scène littéraire française, l'auteur se déchaîne une fois de plus ici, sur le même principe (une enquête-prétexte tournant cette fois-ci autour du mystère de la disparition du meunier d'un hameau rural), en en prenant d'autres et en recommançant!

Contribuent à l'enquête:

Christian Pignol, Les Engoulevents de la Grange-aux-Loups

Katherine Plancol, La Valse jaune des tortues-crocodiles

Zig Larsen, Milliardium (tome 4): Les Femmes qui n'aimaient pas les hommes qui n'avaient pas d'allumettes

Patrick Modiamo, Hôtel obscur des amnésies perdues

Muriel Burbery, L'élégance du maigrichon

Éric-Manuel Schmit, Louison Touletemps et le sumo rose

Philippe Solers, Le Divin Moi Doute

Guillaume Muzo, Où seras-tu si je reviendrais sans toi?

Philippe Delerme, On aurait dû fermer les volets

L'histoire évolue de manière moins coulante cette fois-ci, sauf pour certains chapitres où l'auteur les lie comme on rattraperait une maille perdue, mais ceci ne nuit guère au plaisir de lecture car plus qu'une enquête à proprement parlé, cette histoire-prétexte offre surtout l'opportunité d'une trame commune sur laquelle les écrivains pastichés tâtent leur plume.

Encore une fois, j'ai réalisé à quel point cet exercice de pastiche était peu évident. Il faut non seulement du talent pour reproduire des styles très différents les uns des autres, mais également bien ressentir la façon de penser des écrivains, ou du moins, ce qu'ils nous laissent à penser de leur personnalité, en public ou à travers leurs romans, de façon à ce que cela transparaisse dans leurs écrits et que le lecteur puisse reconnaître leur patte.

J'ai beaucoup aimé le chapitre de "L'élégance du maigrichon", hilarant à souhait et particulièrement réussi à mon sens, "Milliardium (tome 4)" aussi m'a bien fait rire, pratiquement tous les chapitres d'ailleurs, mis à part celui de Patrick Modiamo dont le style m'a semblé quelque peu obscur.

D'un point de vue général, j'ai l'impression que ce roman est beaucoup plus réussi et abouti que Et si c'était niais?, l'intrigue-prétexte donnant peut-être lieu à plus de possibilités d'humour, de délires personnels de l'auteur, d'autodérison également. Là j'ai été bidonnée à de nombreuses reprises!

Quelques extraits:

* Katherine Plancol

"Secrètement admirative, Karine inscrivit le mot dans sa grille.

- Ça colle pas! s'interrompit-elle. Il me faut un "u" en deuxième position.

- Mais si, ma chérie, expliqua patiemment Lou-Anne. Ça se prononce seublime, mais ça s'écrit s-u-b-l-i-m-e."

* Zig Larsen

"(roman traduit du suédois par speedtraduk.fr)

- Je peux vous aider? récidiva le banquier.

Micael [Boulshitt] se remua la tête pour y enlever ses pensées de dedans.

- Je suis un nouvel entré dans le village et je voudrais débuter un compte dans votre établissement...

Le banquier haussa un sourcil au-dessus de son oeil [...]

[...]

Mot de passe: ******

Silveth souffla la fumée de sa bouche en souriant. Elle s'attendait à cette question de sa machine; elle avait longtemps hésité avant de choisir "Gunnar 1987 Bjelfvensthaoemsson 784" du nom du président de la 784è commission des finances, impliqué en 1987 dans le scandale de moeurs dit des "petits pains Wasa". Puis elle avait réalisé que c'était un mot de passe tellement évident que personne n'y penserait jamais."

* Patrick Modiamo

"Si le temps a un sens, c'est donc toujours le même. Après vient toujours avant. Ensuite, il y a pendant. Enfin, il y a après. Le présent, lui, arrive plus tard. Trop pour être du passé. Pas assez pour être du futur."

* Éric-Manuel Schmit

"- Calme-toi, Louison. Jeanne souffre d'une maladie rare, le syndrome de Coelho-Lévy. Les malades qui en sont atteints sont des ambassadeurs. Ils ont été choisis pour porter un message.

- Un message?

- Tu m'as bien entendu, Louison. Je dirais même que la maladie est elle-même le message. Par exemple, si le malade est condamné, le message est "Profite de la vie car elle est courte, mais elle est bonne". Si le malade est amnésique et arriviste, cela signifie "N'oublie jamais qui tu es et d'où tu viens". [...]

Comme toujours, je me demande ce que les auteurs concernés pensent de ces parodies de leur style d'écriture.

J'aurais bien aimé que Pascal Fioretto pastichent les blogueurs littéraires, je suis sûre que ça pourrait être franchement drôle!