E. Woerth mérite sa retraite.

Publié le 07 juillet 2010 par Mister Gdec

(source de l’article ici)

par Caroline Mécary, coprésidente de la Fondation Copernic, avocate au barreau de Paris, Willy Pelletier (sociologue à l’université de Picardie, coordinateur général de la Fondation Copernic)

Arrêtons. Et même « chapeaux bas » : Eric Woerth a du courage. Certaines fonctions sont pénibles, indubitablement. La sienne, assurément. Elles méritent une retraite avant 62 ans, sans qu’individuellement, il faille médicalement, faire constater son usure au travail. Comment, par exemple, expliquer aux salariés qu’il faut travailler plus, pour gagner moins, lorsqu’à 59 ans, déjà 6 salariés sur dix ne sont plus dans l’emploi (ils sont au chômage, en pré-retraite, en invalidité) ? C’est déjà usant. Il faut 45 milliards d’euros pour financer les retraites d’ici 2025. Comment expliquer que les caisses sont vides, quand en 2009, les 500 ménages les plus fortunés ont perçu 80 milliards de plus qu’en 2008, grâce à soi-même, ministre du budget. C’est très usant d’assumer publiquement, qu’on les oublie. Et qu’on ne touche pas aux niches fiscales qui, dans ce pays, ôtent au budget de l’Etat, 78 milliards d’euros. Une preuve supplémentaire que ce métier use : Mr Woerth a zappé leur existence pour financer les retraites. Ah, ces bévues que l’on commet, lorsqu’au travail, on n’en peut plus !

Et comment assurer cette tâche, ingrate, forcément ingrate, après avoir cumulé les fonctions de ministre du budget et de trésorier de l’UMP – c’est-à-dire de collecteur de fonds privés pour la campagne de N. Sarkozy (7 millions d’euros). Cumuler plusieurs jobs finit par être usant. Un étudiant sur deux travaille pour financer ses études, ils le savent bien. Mais quand, en plus, il y a entre les jobs, conflit d’intérêts à gérer, c’est pénible, dur, dur.

Comment assurer, en toute impartialité, que la France est en faillite, quand son épouse gère la fortune de L.Bettencourt. Et que ministre du budget, l’on sait qu’avec le bouclier fiscal, en mars 2008, Mme Bettencourt a reçu de l’Etat, 30 millions d’euros. Mme Bettencourt n’est bien sûr qu’une goutte d’eau dans le manque à gagner budgétaire. Mais c’est compliqué. A moins d’être persuadé que Mme Bettencourt en avait besoin. Un impérieux besoin. Un besoin supérieur aux postes dans l’enseignement, les hôpitaux publics, ou pour nos prisons délabrées. Comment déplorer la faillite de l’Etat, si soi-même, on l’organise. Quand on est crevé au boulot, on a de ces absences…

Certes, on se réconforte comme on peut. A demi crédule, on se répète que ce n’est pas grave. Que l’on a aussi aidé M. Peugeot ; et qu’au Fouquet’s, nous sommes reçu, et très aimablement. On peut, certes, décorer de la légion d’honneur Mr De Maistre, patron de sa femme, qui gère l’évasion fiscale de L. Bettencourt. Et, un instant, trop bref, finir par se rassurer. S’imaginer qu’après tant de signalés services rendus à de si riches personnes, en cas d’éviction gouvernementale, il y aura quelques retours d’ascenseur. Mais au plus profond, l’on sait bien que ce n’est pas sûr. Pas certain du tout. Depuis que grâce à soi, la France entière connaît les us et coutumes des plus belles fortunes des beaux quartiers. Alors fatalement, on doute : peut-être qu’à notre endroit, nos ex-amis ne feront pas de quartier. Tellement d’autres, devenus gênants, furent ostracisés. Cette incertitude, c’est usant également. La peur d’être seul, sitôt licencié. Souvent, on craque. A France Telécom, à Pôle Emploi, etc. Parlez-en aux « Contis » ou aux « licenciés » dont les entreprises réalisent des profits considérables, ils le disent aussi. Alors si, au même moment, il faut s’adresser aux fonctionnaires, pour bloquer leurs salaires. A assumer, c’est usant ; vraiment on le comprend.

Certains s’en félicitent, et vous invitent M. Woerth à conserver vos fonctions. Car pour porter la réforme des retraites inégalitaire que vous proposez, qui, mieux que vous, peut lui faire du tort ? Vous êtes un sponsor miraculeux pour tous ceux qui manifestaient le 24 juin. Le 7 septembre, vous aurez dans leurs rangs un succès fou.

Nous le refusons. La souffrance au travail n’est jamais une solution. En travaillant davantage, vous risquez de tout perdre. Vous avez mérité votre retraite : pour le pot de départ, on amène les chips.