Pour vous de Dominique Mainard

Il arrive parfois (rarement) qu’un roman, qu’un auteur me fasse croire à nouveau en la littérature française. Une œuvre contemporaine qui coche les cases du style, de l’émotion et du récit, qui ne verse pas dans le narcissisme petit bourgeois et qui me bouleverse, tout simplement.
Pour Vous a été une révélation de cette envergure, la réalisation que les pages que je lisais correspondaient étonnement à mes goûts, mes attentes, mon humeur du moment.
D’une certaine façon, c’est un livre sur le cynisme qui fait, à travers ‘Pour vous’ l’agence très spéciale de Delphine M., du sentiment (le désespoir, l’amour, le manque affectif) un besoin commercial comme un autre.
Car depuis l‘enfance, elle s‘est enfermée dans une prison de glace, elle ne pense qu’à l’argent qui s’accumule, qui dans son esprit s’est substitué à l’amour maternel, à la passion, à l’amitié, à tout ce qui fait la vie.
La relation entre Delphine et sa mère par exemple est d’un inconfort absolu. Leurs rencontres dans une fausse crêperie bretonne sont des déjeuners d’affaires surréalistes que cette dernière paye cher en Euros et en regrets.
J’ai aimé la lente progression des émotions, le cœur en bourgeon de Delphine qui s’ouvre au monde imperceptiblement au fil des pages.
Les chapitres sont ponctués de factures qui résument froidement les services produits. Celle-ci, la plus significative, marque le début de sont éveil:
M. Edgar Coindreau/Melle Agathe Coindreau
Parc des Grands Platanes, 14h30 - 17 heures.
Trois cigarettes. Quatre minutes de marche.
A réclamé des bonbons, lui en ai donné deux, selon les consignes de sa petite-fille. Pas d’autre incident à signaler.
(Après une hésitation, j’ai écrit Jeune homme a demandé du feu, puis j’ai barré soigneusement ces mots en me disant qu’il s’agissait d’une simple anecdote et j’ai conclu en inscrivant: )
Temps: deux heures trente.
70 euros.
Une histoire malheureuse, émouvante, quasi hypnotique.
A lire !
Lu et approuvé par Clara.
La note de L’Ogresse: