Pourtant ce débat qui resurgit actuellement avec le refinancement du Monde, les nominations à la tête de France Télévisions, les attaques contre Mediapart, les licenciements chez France Inter, le traitement des positions papales, les difficultés de Presstalis - on pourrait en citer des myriades comme cela - est un débat passionnant et nécessaire.
La presse est-elle ce "quatrième pouvoir" que décrivait Alexis de Tocqueville? La vocation de la presse est-elle d'être le pouvoir du peuple, le pouvoir de l'opinion? La mission du journaliste est-elle de dénoncer les travers, d'expliquer le monde, de divertir les gens? Ou un peu de tout cela à la fois?
Luttant avec le temps, courant après le scoop, cherchant le lectorat par son petit bout, la presse et par extension les médias traditionnels se sont appauvris au fil du temps. Toutes les excuses ont été assénées : l'absence d'indépendance qui nuierait au travail, le désintérêt du public pour les articles de fond, l'arrivée d'Internet qui compliquerait tout.
Chez BeniNews, nous avons une vision légèrement différente.
L'être humain en général et le journaliste en particulier a du mal à se remettre en question. Trois biais ont été trop facilement suivis ces nombreuses dernières années.
Le premier biais a été de considérer que le lecteur, auditeur, télespectateur, était un consommateur de Coca-Cola (pour reprendre l'expression de l'ancien président de TF1 Patrick Le Lay). Pour faire de l'argent, le média devait donc répondre simplement à ses fantaisies, l'occuper. C'est le boom des médias de divertissement et des magazines thématiques "grand public".
Le deuxième biais a été de vouloir que Paris soit la France. Le rationalisme parisianiste, la vision d'une société plaisiro-égocentrique, l'ignorance ou le refus révolté des valeurs fondamentales transmises de génération en génération sont devenus le mode de pensée obligatoire. C'est le boom de la société post-68 médiatique et de l'égo-liberté.
Le troisième biais a été de croire que ce "quatrième pouvoir" était un pouvoir de dénonciation. Beaucoup de médias dits intelligents ont usé de leur savoir-faire d'investigation dans l'unique but populiste de dénoncer des dérives en manquant peut-être au début de l'enquête de l'empathie nécessaire. C'est le boom des "affaires" qui rythment notre actualité.
Faire de l'argent, faire évoluer la société et dénoncer les méfaits ne sont pas critiquables. Ce sont même des fonctions essentielles. Reste qu'avant toute chose, il est impératif de comprendre.
La culture et la recherche de la vérité sont des bases indispensables. Benoît XVI a exprimé clairement que la liberté de l'homme est celle du chercheur de vérité qui doit avec sa raison, sa culture et ce qu'on lui a transmis, toujours chercher à avancer plus près de la vérité de Dieu.
Un proverbe juif dit magnifiquement qu'on ne peut donner que deux choses à ses enfants : des racines et des ailes. Pour qu'un journaliste puisse user de ses ailes, il doit toujours s'ancrer dans des racines profondes qui lui permettront de discerner.
Ce discernement du journaliste, le XXIe siècle l'apporte.
A la suite de l'excellent magazine XXI, Usbek et Rica et maintenant Muze (féminin) se sont lancés dans le trimestriel de fond vendu en librairie.
Et surtout les nouvelles plateformes (iPad, etc.) obligent les éditeurs à creuser, investiguer, écouter.
L'Homme a toujours cherché. Le lecteur a toujours cherché. Il consommait ce qu'on lui proposait mais ressentait une frustration. Ceux qui ont su innover avec du contenu de qualité, du contenu qui regarde le monde avec curiosité, du contenu qui approfondit, ont réussi. Il y a un business model du Bien.
Il y aura heureusement toujours des médias de divertissement. Il y aura heureusement toujours des médias qui titillent le pouvoir. Mais si demain, naissent des médias qui cultivent et nourrissent, alors les hommes pourront se divertir et user de leur pouvoir d'influence avec discernement.
La vocation du journaliste est peut-être celle-là : aider à discerner.