Publié par Cécile, vendredi 14 décembre 2007 , Rubriques : Actualité
<>«Création des sondages», «incompétente», «démagogue», les critiques provenant de son camp fusent contre Ségolène Royal. Silencieux jusqu'ici, Julien Dray, en homme libre et affranchi, veut aujourd'hui régler ses comptes avec les «éléphants» qui ont, consciemment ou inconsciemment, travaillé à la défaite. Il porte un regard lucide sur le déroulement de la campagne et sur les erreurs commises. De la montée en puissance de cette femme politique mal connue, aux dessous du débat face à Nicolas Sarkozy, en passant par les chausse-trappes du parti et les incidents de campagne,Julien Dray n'a oublié aucun des moments critiques qui fabriquèrent cette «étrange défaite». L'ancien conseiller spécial de Ségolène Royal montre comment l'impréparation, le projet patchwork et les relations humaines mal gérées finirent par transformer un immense espoir en une déception électorale. Tirant les leçons du passé, ce livre vise à ouvrir la voie à une gauche nouvelle, qui passera nécessairement par de profondes ruptures et mutations, humaines et idéologiques - si l'on veut éviter que 2012 ressemble à 2007, 2002 ou 1995, et que la gauche française devienne «la plus bête du monde» !
Député de l'Essonne depuis 1988, Julien Dray est le cofondateur de SOS Racisme avec Harlem Désir. Porte-parole du PS, il fut l'un des premiers soutiens à la candidature de Ségolène Royal, et fit partie de son équipe restreinte de campagne en tant que conseiller spécial.
Extrait du livre :
«Une nouvelle candidature de ma part n'aurait été concevable que si un consensus s'était opéré.» Comme elle sonne bien cette phrase, placée modestement au début du livre de Lionel Jospin. Je n'avais jamais cru, contrairement à beaucoup d'autres, au retrait définitif annoncé si théâtralement ce 21 avril 2002 par Lionel Jospin. Le succès du «non» au référendum européen, qui plaçait le parti socialiste en porte-à-faux vis-à-vis de ses électeurs, avait, du même coup, fragilisé la légitimité de François Hollande dans la course à l'investiture, et rendu difficile la désignation de Laurent Fabius, qui était allé à l'encontre de la décision de son parti. Lionel Jospin a pensé à ce moment-là que les conditions de son retour étaient réunies. Dominique Strauss-Kahn serait neutralisé par la promesse de Matignon. Encore fallait-il que, faute de «consensus», le premier secrétaire conduise une délégation d'éléphants suppliants venus plaider pour le retour de l'homme providentiel ! La candidature de Ségolène Royal, évidemment, fracassait ce joli rêve de revanche sur l'adversité.
Je n'avais pas oublié cette surprenante invitation à déjeuner que m'avait adressée Lionel Jospin en septembre 2003. J'étais devenu porte-parole du PS, et c'était d'ailleurs la raison officielle de cette rencontre. Et, si je savais bien que l'ancien Premier ministre ne m'aimait guère, cela depuis mon entrée en politique, j'espérais, malgré tout, que nous allions enfin avoir une explication franche, sur le fond. Mais, après quelques considérations politiques banales, Lionel Jospin me lance, l'oeil plissé, le regard scrutateur : «Alors, il paraît que tu as pris le pari que je reviendrais en politique !» Effectivement, quelques mois plus tôt, discutant de l'avenir avec deux de ses proches, Pierre Schapira et Daniel Vaillant, je leur avais parié une caisse de bon vin que leur chef de file ne pourrait pas demeurer bien longtemps en dehors du jeu politique, qu'il reviendrait. Il n'avait pas fallu beaucoup de temps pour que ma petite provocation atteigne l'intéressé ! Comme je confirme le sérieux de ma «prophétie», Lionel Jospin m'interrompt : «Tu te trompes, j'ai tourné la page.» Trois secondes de silence puis, dans un grand sourire : «Sauf si je suis intéressé au pari, bien entendu !» Au fil de notre conversation, je me rends compte que le retraité le plus célèbre de France est en réalité parfaitement au courant des petits détails de la vie du parti, des positions des uns et des autres et du fait qu'il sera difficile, dans le maquis des ambitions naissantes ou déjà affirmées, de trouver un candidat consensuel.
Au lendemain de cet étrange déjeuner, je me suis efforcé de convaincre François Hollande que, contrairement à ce qu'il pensait, il n'en avait pas encore fini avec Lionel Jospin. Selon moi, l'ex-Premier ministre cherchait sa revanche.
Hachette, 214 p., 17 €. En vente ici
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