J'ai découvert Martin Scorsese avec Taxi Driver. C'était en 1985, j'avais treize ans et ça s'est passé un vendredi soir sur Antenne 2. Je peux vous dire que pour rien au
monde je n'aurais loupé la cultissime émission Ciné-Club. En effet, c'est elle qui m'a permis de me forger une sacrée bonne culture cinématographique. On y voyait des films visibles nulle part ailleurs à la télé. C'était très important pour moi qui n'avais que très peu accès au cinéma...
Comme vous vous en doutez, voir Taxi Driver a été pour moi un véritable choc. Non pas du fait du film extraordinaire qu'il m'était donné de voir (Ce long-métrage avait reçu la Palme d'Or à Cannes en 1976). A l'époque, je n'étais pas capable d'appréhender toute la portée de ce chef d'oeuvre cinématographique. Mais ce fut un choc parce que ce film avait ouvert quelque chose en moi, quelque chose d'indéfinissable, d'impalpable et pourtant de totalement fondamental : l'amour des grands films américains et la passion pour ceux qui les font. A mes yeux de néophyte, Scorsese en était l'incarnation vivante.
Dès que j'ai eu la possibilité de choisir les films que je voulais voir au cinéma, je suis allé voir Les Nerfs à vifs (Cape fear en version originale). J'y suis allé avec ma mère car je n'avais pas encore le permis à l'époque (ça se passait donc en 1992)...
Je ne sais pas ce que son "j'ai bien aimé" d'après film voulait vraiment dire : était-elle mal à l'aise ou vraiment ravie ? Par contre, ce dont je me souviens (oh, oui, je m'en souviens très bien, malgré les presque vingt ans qui m'en séparent), c'est d'avoir pris une claque monumentale (eh oui, la deuxième !). Je pense vraiment que c'est ce film en particulier qui me donna l'amour du vrai cinéma, celui que l'on savoure en salle. Et, par là-même, j'ai été marqué par le cinéma de Scorsese, comme jamais aucun cinéaste ne l'a fait. Marqué au fer rouge, violemment et profondément. Même un Tarentino, et sa violence parfois un peu gratuite il faut bien le dire, ne m'a laissé une telle empreinte vive au fond du cerveau.
Juste après Les Nerfs à vif, j'ai vu un autre chef d'oeuvre de Scorsese, Les Affranchis (GoodFellas en V.O.), bien que ce dernier soit sorti une année avant le premier. Et c'est encore pendant cette période que Scorsese tourna son dernier film avec De Niro, son acteur fétiche avec qui il fit huit films. C'était Casino, c'était en 1996, et c'était très certainement la fin d'une époque faste...
Tous ces films (il faut rajouter à la liste Raging Bull (1980) et enlever Les Nerfs à vifs) ont en commun les acteurs extraordinaires que sont Joe Pesci, qui joue toujours des personnages à 200 à l'heure, totalement incontrôlables, et bien sûr De Niro, au charisme impressionnant.
Et à présent qu'en est-il de Martin Scorsese ? Le réalisateur étasunien demeure l'un des plus grands. Cependant, les films qu'il met en scène en ce moment sont loin d'atteindre la maestria de ceux cités plus haut. Gangs of New York, Aviator, Les Infiltrés ou Shutter Island sont tous de très grands films, mais en aucun cas ils ne peuvent avoir l'aura de ceux de sa période faste ou de ceux des débuts... Pourquoi ? C'est très certainement lié à l'acteur principal de ces films. Car Léonardo Di Caprio, malgré tout son talent, n'a pas (encore ?) le charisme du De Niro de la grande époque. Bien évidemment, ce serait trop facile si ce n'était que cela...
Et il faut bien concéder toute l'importance qui revient à Di Caprio. En effet, sans lui, Scorsese ne tournerait sûrement plus !
Bien sûr, ce papier n'est en aucun cas une étude exhaustive de l'oeuvre du maître. Ce n'est qu'un survol superficiel pour essayer de vous expliquer ce rapport intime qui me lie à cet incroyable artiste, qui est aussi peut-être, le plus grand cinéphile du monde...
Pour tout cela, et bien d'autres choses encore, Martin Scorsese demeure un très grand maître !
A.C. de Haenne