J'avais d'autres titres en tête :
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A trop vouloir innover... Mozart n'est plus Mozart
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Aix gardien du temple et du Don Juan de Mozart
Dégustons le plaisir indicible d’avoir partagé presqu’en direct une retransmission d’Aix en Provence…
La présentatrice jeune et belle joue les « Eve » et derrière elle défilent les images émouvantes de l’Archevêché, tantôt la salle tantôt le parvis… Visiblement le mistral n’était pas invité.
Lorsque l’on touche au Don Juan, Aix gronde et hue.
Plaisir ai-je dit, Oui ! Plaisir incontestable… mais combien de fois ai-je fermé les yeux pour essayer de retrouver le vrai plaisir celui de la musique éternelle… et donc plaisir tout de même un peu gâché par des images, des scènes, des actes, des décors (que dis-je UN décor), un script… le tout si éloigné des intentions amoureusement, intimement liées de Da Ponte et de Mozart.
Difficile de juger la musique et les chanteurs au travers du petit écran, mais il m’a semblé que l’orchestre et sa direction enfermée dans la petite fosse d’Aix méritait toutes les louanges. Autre appréciation les chanteurs bien en voix dans l’ensemble et surtout Leporello et Don Giovanni sans oublier Donna Anna et Donna Elvira. La critique nationale confirme d’ailleurs.
Je me souviens d’une grande polémique, très ancienne, caractéristique d’Aix, sur la jeunesse trop tendre d’un Don Juan imberbe. Cette fois Bo Schovus bien en âge pour avoir déjà chanté ce rôle 250 fois, était fort crédible d’être l’auteur de « mille e tré » aventures amoureuses ! En tous cas il est séduisant à souhait ce qui, pour une fois rend, évident la passion qu’il inspire (passion et non amour, ce qui est assez bien rendu ici).
Mais trop souvent la musique et les gestes n’étaient pas en accord, et ce n’est surement pas ce que voulaient dire Mozart et son complice. Excessif l’hystérie de Donna Anna, un peu trop coquine Zerlina, pour une paysanne, trop genre « soubrette »…
Il est vrai que la surprenante idée s’affichait dès l’avant ouverture par une information généalogique pour le moins iconoclaste.
- Zerlina est la fille de Donna Anna et non pas une simple et belle paysanne.
- Donna Elvira est la cousine de Donna Anna.
- Leporello est un «jeune parent du Commandeur»
Et quelle autre curieuse idée que de faire dérouler et traîner l’action sur plusieurs semaines comme le signalent régulièrement les annonces avant levée du rideau : « Deux jours plus tard » ou « Trois semaines plus tard ».
C’est sans doute cette double volonté de détourner les événements de leur cours naturel que le public a copieusement hué. Le metteur en scène a tout de même affronté cette désapprobation après que le même public ait applaudi et même ovationné, chanteurs et orchestre.
Et bien d’autres choses… Dmitri Tcherniakov nous propose tant d’invraisemblances que j’ai peine à les énumérer :
Les échos analysent avec finesse que l’On n'est plus dans l'urgence du théâtre et du drame – course à l'abîme enclenchée par la frénésie du désir, l'angoisse de mort, le déni de culpabilité – mais dans la durée étirée d'un roman de Tolstoï. Et le dramma giocoso de Mozart, s’est mué en roman de Tolstoï !
- Anna tentant de violer Ottavio impuissant.
- Le mythe et le personnage de Don Juan détruit, altéré, ruiné dans un zombie neurasthénique puis un pantin épileptique.
- Et pour finir la jolie moustache du Commandeur qui se décolle au mauvais moment.
- Le souper final, avec tous les personnages immobiles, statufiés, prostrés autour de la table, dernier personnage secret du Don juan 2010 d’Aix en Provence…
- et chaque femme Anna, Elvira, Zerlina, à tour de rôle se laisse déguster comme un plat de dinde, par un Leporello devenu le maitre et un Don Juan voyeur.
- Mais où est passé l’orchestre de bal habituellement sur scène au final du premier acte ? Enfermé dans la fosse pour répondre à l’indispensable unité de lieu imposé par le metteur en scène.
Mais Dieu que la musique de Mozart est belle… le dire est une tautologie mais… le vérifier à chaque écoute est une nécessité vitale pour les uns et les autres.