je
Je suis une étrangère dans ce pays
au fond de la mer oppressante,
le soleil plonge là ses onduleux rayons
et l’air flotte entre mes mains.
On m’a dit que j’étais née en captivité-
ici pas un visage qui me soit connu.
Étais-je une pierre jetée au fond ?
Étais-je un fruit trop lourd pour sa branche ?
Me voici au pied de l’arbre bruissant, prête
à grimper à ces troncs glissants, mais comment ?
Là-haut se rejoignent les couronnes vacillantes
et là je veux rester assise à chercher du regard
la fumée des cheminées de ma patrie.•
grimace d’artiste
Je n’ai que ma cape resplendissante
ma témérité rouge.
Ma témérité rouge part à l’aventure
dans de vils pays.Je n’ai que ma lyre sous mon bras,
mes âpres arpèges.
Mon âpre lyre résonne pour bêtes et gens
sur la grande route.Je n’ai que mon altière couronne,
ma fierté qui s’exalte.
Ma fierté qui s’exalte prend sa lyre sous son bras.
Et tire sa révérence.•
Vierge Moderne
Je ne suis pas une femme. Je suis neutre.
Je suis un enfant, un page, une résolution hardie,
je suis un rai de soleil écarlate qui rit…
Je suis un filet pour poissons gloutons,
je suis un toast porté en l’honneur de toutes les femmes,
je suis un pas vers le hasard et la ruine,
je suis un bond dans la liberté de soi…
Je suis le sang qui chuchote à l’oreille de l’homme,
je suis fièvre de l’âme, désir et refus de la chair,
je suis l’enseigne à la porte de paradis inédits.
Je suis une flamme exploratrice et gaillarde,
je suis une eau profonde mais téméraire jusqu’aux genoux,
je suis eau et feu loyalement, librement unis…
Edith Södergran, Le Pays qui n’est pas et Poèmes, traduction de Lucie Albertini et Carl Gustaf Bjurström, Orphée la Différence, 1992, pp. 35, 147 et 43
contribution de Sylvie Durbec
bio-bibliographie d’Edith Södergran
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