Par Julie Cadilhac - bscnews.fr
Après AdopteUnMec.com - hommes-objets à câliner, fin juillet va naître Mec à la carte lancé par l'agence PRformance. Un tout nouveau site de rencontre qui se définit comme singulier car il "combine l'originalité du contenu (champ lexical de la cuisine) et de l'approche (les femmes choisissent leur partenaire comme au restaurant, en parcourant le menu)." La révolution du concept repose a priori sur l'humour et la chaleur que son créateur, Jean Baudoux, souhaite y faire fleurir. Plonger les adhérents dans une atmosphère culinaire devrait mettre la séduction sous le signe de la décontraction et du respect mutuel... Soit... D'abord déplorons l'utilisation du si vulgaire substantif "mec" : un "Julot à la carte" (mignon) ou "gentleman à la carte" (idéal), "lascar à la carte" (réaliste), "petit ami à la carte" (improbable), "zoulou à la carte" (exotique), "coco à la carte" (inspiré)... Aurait déjà éveillé davantage de sympathie dans l'effort entrepris pour éradiquer ce mot si laid de "mec" qui pullule sur les lèvres de beaucoup trop de femmes.
Puis on s'interroge sur la naissance du concept : est-ce une contagion du succès de Cyril Lignac qui est partout, se mêle de tout et surtout de nous apprendre à monter une entreprise florissante ? Est-ce un nouvel effet de mode parisien où il devient chic d'être un homme - ou une femme - qui sache cuisiner ? Mec à la carte est-il un retour au tablier sexy, au cliché de la ménagère existante devant ses fourneaux ? Veut-on attirer les toqués de la toque ?
Mec à la carte prétend être innovant car il chouchoute les femmes : pourtant tous ceux qui ont parcouru en touriste - nous ne doutons pas qu'aucun de nos lecteurs n'ait été consommateur sérieux de ce genre de service... (sourire)- savent que ce mode de fonctionnement est inhérent à la plupart des sites de rencontres - qui ont compris depuis longtemps qu'il faut en premier lieu appâter le genre féminin... La caste masculine se greffant immédiatement sur les "lieux" infestés de jeunes femmes en ébullition sentimentale.
De plus, le principe du "menu" existe aussi sur d'autres sites de rencontre comme Meetic, Miss34 etc. On choisit son partenaire selon ses goûts et ses besoins du moment. On répliquera même que, hors rencontres virtuelles, des sélections naturelles s'opérent et que personne n'aurait idée de s'approcher d'un plat qu'il jugerait sans saveur.
Ce qui est innovateur donc ? La forme ? Les mots ? Du blabla quoi... MAIS le succès sera là quand même puisqu'on exploite à toute fin lucrative le coeur et les hormones d'individus désespérés qui se ruent sur l'espoir de la dernière chance. Rien de romantique, semble-t-il donc , dans ce site se gaussant de "gastro-sexuel" qui fonctionne - rassurez-vous - sur les mêmes principes que ses prédécesseurs : "Le fonctionnement du site est simple : les femmes choisissent l’homme qui leur convient, leur homme « à la carte », comme elles choisiraient une entrée, un plat ou un dessert dans un restaurant. Elles ont le pouvoir d’évaluer les hommes, de définir leur coefficient de séduction. Par ailleurs, elles bénéficieront également d’un accès entièrement gratuit au site. Quant aux hommes, outre les abonnements standards de un, trois ou six mois, un système de « crédits » sera mis en place. Un crédit représentera une connexion, et leur durée de validité sera plus longue que celle des abonnements. L’objectif du site est clairement annoncé : Mec A La Carte© désire révolutionner l’univers des sites de rencontres en y apportant plus de légèreté et en inversant le schéma de séduction classique."
Pourtant si Jean Baudoux a un mérite, c'est d'être dans l'air du temps ! Aujourd'hui tout se fait "à la carte" : le contemporain ne s'impose rien. Tout doit être ludique, la pénibilité et l'ennui doivent être gommés pour ne faire briller que la jolie facette des choses. Mais attention notre nouvelle génération à la carte est loin d'être heureuse car la vie trop souvent est là pour lui rappeler que le mode ludique a ses limites et ses failles. L'amour à la carte a de fortes chances de conduire au désastre au dessert.
Quelques exemples d'actualité d'échecs des menus à la carte - fort difficiles à digérer ? Après le menu "tous ensemble ou pas", "vous pouvez chanter la marseillaise ou pas", "vous pouvez enlever vos écouteurs quand le coach parle ou pas", "vous pouvez saluer vos supporters ou pas", "vous pouvez me manquer de respect ou pas", "vous misez tout sur la pub ou bien sur le terrain ", la fin de la coupe d'Afrique du sud pour les bleus a été déconfite. Même problème dans l'éducation, après le pique-nique (restons dans le culinaire) de fin d'année d'une école de primaire qui a tourné à la sauce aigre en Vendée et sans justifier la punition puérile imposée aux enfants (venir à quatre pattes - comme des chiens - chercher leur déjeuner parce qu'ils avaient été turbulents toute l'année à la cantine), on se dit que peut-être si les parents ne faisaient pas un repas à la carte à leurs gosses pour éviter les pleurnicheries, si l'on ne donnait pas systématiquement des alternatives à la nouvelle génération qui en font des consommateurs insatiables et insatisfaits, si enfin on arrêterait de casser les pieds du citoyen lambda avec des chiens écrasés et qu'on lâche un peu Dolto et ses enfants rois, on éviterait des desserts douloureux issus de comportements intolérables. Nous nous abstiendrons d'évoquer les ravages d'une culture à la carte : cela nous amènerait à hurler sur ceux qui, plus haut, osent éditer à la télé et sur certaines grandes scènes françaises, les menus quotidiens que l'on nous sert...