Nous avions quitté le Princes Charles sur la terrasse de Balmoral Castle, empli d’un bonheur timide qui n’osait murmurer son nom.
Les circonstances du départ furent simples et émouvantes. Camillus coinça avec peine son unique mallette dans le coffre exigu de l’Aston Martin grise qui n’est surtout pas une voiture de livreur. Une DB5 née en 1965 ignore les contingences futiles de votre vie pratique. Elle roule. Elle règne. Elle gronde souplement sur la route agile. Le coffre fut refermé à grand peine et annonça la cérémonie des adieux.
Les deux hommes se prirent tendrement aux épaules pour se murmurer des promesses. Camillus fit un demi-tour et avança la main vers la poignée chromée qui émit un clic léger. La porte s’ouvrit et l’habitacle de cuir et d’acier éteignit d’un seul coup la flamme des boucles fauves. Contact. Moteur. Bruit d’échappement. Charles, le regard flou tendit une main vague alors que l’Aston avançait, millimètre par millimètre, centimètre par centimètre, pour entrer dans l’ailleurs et s’arracher de lui comme on arrache un clou.
Il ne resta de Camillus qu’une trace légère et un peu de poussière dans le soir blanc. Sortie sur le perron, Harriet vit le Prince de Galles toujours immobile, le regard fixe sur un point disparu. Elle s’approcha de lui et lui parla doucement, comme au temps des confitures d’orange, au temps où Charles portait encore des bretelles pour retenir ses culottes courtes. Elle lui prit la main.
- Charles, il est temps de renter, maintenant.