Magazine Environnement
Elle est partout ! Elle vous colle à la peau, elle se dégage du goudron, elle est rejetée par la clim des magasins, par les voitures au feu rouge, elle s’infiltre par le grillage du métro et dégouline sur vos jambes, elle reste emprisonnée sous les toits en zinc qui font le charme de la capitale française. La chaleur, pourquoi est-elle suffocante en ville ?
© Julie KerteszA cause de la concentration des activités, les villes enregistrent localement de sensibles hausses de température. Mireille Lauffenburger, Maître de Conférences en Géographie à l’Université de Nancy 2, souligne que les surfaces minérales qui absorbent la chaleur contribuent à la formation de l’îlot de chaleur urbain. En plus, le vent a du mal à circuler en milieu urbain, du fait de la "rugosité élevée de la surface urbaine", contrairement à la surface agricole de la plaine. Tout cela provoque l’effet de l’îlot de chaleur, en anglais, Urban Climat Island. L’îlot de chaleur urbain diminue à mesure que l’on s’éloigne du centre urbain. Lauffenbirger estime qu’en moyenne annuelle, l’écart de température entre le centre d’une ville et sa périphérie est généralement compris entre 2 à 3°C.
L’impact sanitaire de la canicule
À Paris, l’îlot de chaleur urbain a un véritable impact sanitaire. Le manque d’air provoque une augmentation de la pollution atmosphérique (smog) à cause de la stagnation des polluants. Le smog survient en cas d’absence de vent, d’anticyclone dynamique puissant, développé et stable et de températures moyennes très élevées pendant plusieurs jours consécutifs. En climatologie, ces épisodes exceptionnels de chaleur sont appelés « vagues de chaleur » ou « canicules ». La conséquence sanitaire directe de la canicule est l’augmentation de la surmortalité, surtout chez les populations à risque, comme les personnes âgées, obèses ou atteintes de maladies chroniques (ex. : cardiaques, respiratoires, rénales). Prendre le transport en commun ou le vélo atténue donc la pollution de l'air ainsi que l’îlot de chaleur urbain.
Le manque d’espaces verts
La végétation joue un rôle très important de régulateur thermique : elle favorise l’évapotranspiration et diminue la température de l’air. Le nombre limité d'espaces verts est un facteur aggravant de la situation parisienne, malgré l’existence du Bois de Vincennes et du Bois de Boulogne, qui constituent des puits de carbone notables pour la capitale française.
La Ville de Paris a intégré dans son Plan Climat de nombreux projets verts pour rafraîchir la capitale et purifier l'air. 32 ha supplémentaires d’espaces verts seront plantés, notamment de grands parcs comme les Jardins d’École (4.22ha) ou le parc de Clichy Batignolles (4.28ha). 100 000 arbres seront plantés dans les rues de Paris, 20 000 m2 de toitures supplémentaires seront végétalisées etc. La végétalisation des toitures est par ailleurs encouragée par le Conseil Régional d’Île de France qui accorde une subvention incitative plafonnée à 45 € par m² de l’ordre de 50% du coût de la réalisation. A petite échelle, vous pouvez aussi entretenir un balcon bien garni, qui contribue à rafraîchir l'air intérieur.
Une autre solution envisagée pour réduire cet effet d’îlot de chaleur consiste à remplacer les surfaces foncées comme les toits noirs et les routes asphaltées, par des surfaces claires et réfléchissantes. Pourtant, à Paris, plus de 80% des bâtiments ont plus de 50 ans, 75% ont plus de 100 ans et 8% existent depuis plus de 200 ans, selon l’ Atelier Parisien d’Urbanisme . Paris a donc un fort patrimoine bâti, ce qui laisse penser que les transformations de l’architecture des édifices, ou des modifications de la forme urbaine seront limitées.
© Guay & Beaudoin L’albédo des toitures
L’albédo détermine la capacité à emmagasiner la chaleur solaire reçue par une surface et sa capacité à restituer cette chaleur à l’air environnant. La valeur de l’albédo d’une surface dépend de sa couleur, avec une fourchette de valeur allant de 0 à 1. Plus la valeur avoisine zéro, plus la couleur de la surface est sombre et plus cette dernière emmagasine la chaleur ; inversement, plus l’albédo est élevé, plus la surface est de couleur claire et plus elle va restituer la chaleur à l’air environnant. Une solution aurait ainsi pu être de « repeindre Paris en blanc », comme l'imagine Mireille Lauffenburger, afin de diminuer la déperdition de chaleur du bâti, mais Paris est déjà une ville très « claire » avec ses toits en matériau de zinc. De plus, le classement d’une grande partie des bâtiments parisiens empêche toute intervention sur l’aspect extérieur du bâti.
La lutte contre les îlots de chaleur passe aussi par une bonne gestion de l’eau dans l’espace public. Il faut mieux conserver et gérer l'eau pluviale par des systèmes de noues ou zones humides qui peuvent réévaporer cette eau, l'évaporation étant facteur de rafraîchissement.
Sources :
Francvert.org
La vie des idées