CJUE, 1 juillet 2010, Sbarigia, C-393/08.
Et il confirme une tendance lourde: la volonté de la Cour de ne pas être le cheval de Troie de la libéralisation de cette profession. Originalité toutefois dans cette affaire, ce n'est pas la santé publique qui est invoquée afin de justifier l'entrave (voir ici pour un exemple), mais la recevabilité même de la question préjudicielle. En l'occurrence,ce la loi italienne qui organise l'ouverture, la fermeture et le rôle de garde des pharmacies permet à certaines communes de déroger aux règles générales dans certains cas.
M. Sbarigia, pharmacien à Rome, cherche à obtenir une telle dérogation l'autorisant à ne pas fermer sa pharmacie durant les périodes estivales. Sa pharmacie est en effet située dans une zone très touristique de la ville. Nous passons sur la question de la situation purement interne que la Cour écarte sur un motif connu.
La Cour considère en effet qu'aucune base juridique invoquée par le juridiction de renvoi dans sa question préjudicielle n'est pertinente en l'espèce.
- La libre prestation de services parce que la situation ne vise visiblement pas une prestation temporaire, M. Sbarigia exerçant une activité permanente en Italie.
- Plus étonnant, la Cour écarte également la liberté d'établissement au motif que "la pharmacie concernée est un établissement stable dans la zone piétonne du centre ville de Rome, dont le propriétaire, par hypothèse ressortissant d’un autre État membre, exercerait déjà une activité professionnelle continue. Partant, l’exercice du droit d’établissement consacré par l’article 43 CE n’est manifestement pas en cause dans l’affaire au principal" (point 28).
- Les dispositions en matière de droit de la concurrence car elles ne visent pas l'activité d'un Etat, sauf exceptions. Notamment, ces règles de concurrence "imposent aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d’éliminer l’effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises" (point 31). Or, in casu, la règlementation italienne n'entre pas dans le champ de la dite exception: "la réglementation nationale en cause au principal, relative à l’octroi éventuel d’une dérogation en ce qui concerne les périodes d’ouverture d’une pharmacie située dans une zone municipale spécifique de la commune de Rome, ne saurait, en elle-même ou par son application, affecter le commerce entre les États membres" (point 32).
- La libre circulation des marchandises n'est pas pertinente parce qu'une "affectation du commerce entre les États membres et, partant, une possibilité d’entrave à la libre circulation des marchandises [doit] être également [écartée] d’emblée" (point 35).
Ce raisonnement de la Cour suscitera sans doute de nombreuses interrogations sur le champ d'application des libertés invoquées dans cette affaire! Il semble en tout cas postuler une interprétation stricte de la notion d'entrave au commerce, interprétation qui semble en porte-à-faux avec l'évolution récente du droit européen!
Source photo: Markus Bernet.