Bonjour Finnigan
Bonjour Gabriel
Bonjour Surrender
Bonjour les zotres
Il y avait Septentrion, Le chameau sauvage, La place, Kaput, fume et tue, l'écriture ou la vie et quelques zotres, maintenant, dans mon panthéon littéraire personnel, il y a aussi Finnigan et moi de Sonya Hartnett.
Le 2 avril dernier, je clôturais en apothéose une semaine consacrée à des critiques de livres édités par le Serpent à Plumes. J'étais très heureuse que Laurence (sa critique est là) et Lucia (sa critique est ici) me posent des questions en commentaires car cela me donnait l'opportunité de reparler de ce livre, d'insister sur la nécessité de le lire... et puis j'ai préparé la remise du prix Qd9, et puis je suis partie à Singapour, et puis je suis partie en Guinée... et puis, comme tant d'autres choses, j'ai zappé mes réponses à Laurence et Lucia.
Je vous suggère d'aller lire ou relire ma critique initiale et j'espère que cette piqure de rappel vous (re-)donnera envie de vous plonger dans ce magnifique roman.
Ce qu'elles ont écrit
LaurenceComme cela me fait plaisir de lire ton billet !! Ce roman m'avait tout simplement époustouflée et il reste un des meilleurs livres que j'ai lu l'an dernier. Et puisque tu as aimé toi aussi, je voulais te poser une petite question : rangerais-tu ce roman dans le genre fantastique? :-/ (je te le demande car j'ai lu beaucoup de billets allant dans ce sens et j'en ai une lecture radicalement différente).
Claudia LuciaJe viens de publier un billet sur ce livre que j'ai lu avec beaucoup de plaisir; mais peut-être moins d'enthousiasme que toi. Je voudrais savoir si tu as compris tout de suite qui était Finnigan? Ou si cela a été pour toi une surprise et un élément important de l'intérêt que tu as porté au livre?
Ce que je réponds
Je suis d'accord avec Laurence, pour moi, Finnigan et moi n'est pas du tout un livre fantastique. ce roman dépeint la vie vue sous un certain angle, il correspond à un point de vue particulier, inhabituel sans doute mais qui n'en constitue pas moins une forme de réalité.
En cela, le procédé me fait un peu penser à la video de Smack my bitch of du groupe Prodigy dont j'ai déjà parlé sur ce blog (qui a par ailleurs été élue video la plus controversée de l'histoire" et "meilleur clip dance" par MTV). Ca m'évoque aussi une récente pub Mac Do où un père et son fils discutent des années lycées devant une photo de classe. On est tellement conditionnné(e) par nos propres repères sociaux et culturels que la première fois que l'on voit le clip ou la pub, on tombe des nues devant la chute.
Cela dit, contrairement au clip et à la pub évoqués précédemment et à l'inverse de Claudia, je ne pense pas qu’il y a un effet de surprise possible dans le livre. Comme je l’ai écrit dans ma critique, la vérité affleure peu à peu et il me semble normal de deviner avant la fin du livre, voire assez tôt qui est Finnigan car, à mon avis. Comme Laurence, je ne pense pas du tout que l'auteure est recherché un effet de suspens. Je pense au contraire qu'elle a voulu jouer avec les non-dits, s'adresser à la sensibilité des lecteurs/trices. Et elle a magnifiquement réussi.Petite précision pour Lucia : je ne mets pas Finnigan et moi au même niveau que l’Ecriture ou la vie. Il est clair que sur le fond et la forme, le livre de Semprun est supérieur au livre de Hartnett. Cela dit, en termes d’émotion, de ressenti personnel, ces livres m’ont également bouleversée.
Extrait du livre (repris chez Laurence)
Je me souviens de la première fois que je l'ai vu.
Je me rappelle le bruit; et le regard sauvage qu'il avait, je me le remémore, enveloppé dans l'été. Je n'ai pas oublié le calme du jour et la densité de l'air. Nous n'avions, ni l'un ni l'autre, pas plus de neuf ou dix ans. Je jouais avec une voiture sur la barrière du jardin quand Finnigan, pieds nus, a traversé mon champ de vision. Au début, j'avais fait celui qui n'avait pas remarqué sa présence ; puis j'avais feint de m'en ficher royalement. Malheureusement, la voiture qui roulait entre mes doigts avait eu un soubresaut puis était tombée.
J'avais jeté un coup d'œil au nouveau venu. À l'école, on nous avait projeté sur un mur un film qui parlait d'animaux sauvages ; grâce à ça, j'avais identifié sans hésiter la bête curieuse qui me dévisageait : c'était une hyène. Ses yeux sombres étaient écartés. Ses pupilles étaient si dilatées que je ne voyais pas de blanc dans ses yeux. Il ne bougeait pas, ne pipait pas mot; nous avions le même gabarit et, pourtant, rien qu'en l'ayant entraperçu, je savais qu'il pouvait me casser le bras s'il le désirait.Nous étions taillés sur le même patron ; nous avions le même âge, les mêmes longues jambes, mais pas la même nature : lui relevait de la hyène, et moi... du petit papillon poussiéreux des montagnes.