Lux éditeur
408 pages
Résumé:
Un silence gêné règne toujours au Canada sur les liens que des personnages publics ont entretenus avec des idéologies proches du nazisme. Durant les années 1930, alors que la faim, la misère, le chômage et les menaces de guerre écrasent le quotidien des classes populaires, Adrien Arcand (1899-1967) prend la tête de groupuscules d’extrême droite qu’il unit sous le signe de la croix gammée. Son programme : faire émerger de la misère existentielle le triomphe du fascisme. Premier président du syndicat des journalistes de La Presse, puis animateur de journaux satiriques d’extrême droite, Arcand va croiser sur son chemin l’écrivain Louis-Ferdinand Céline et se lier aux milieux politiques fascistes internationaux, en particulier dans le monde anglo-saxon impérialiste auquel il s’identifie. Emprisonné pour ses activités durant la guerre, Arcand reprendra son programme avec un certain succès, notamment auprès de membres de l’Union nationale du premier ministre Maurice Duplessis. L’histoire d’Adrien Arcand s’inscrit sans conteste dans celle d’un siècle tragique. Ce personnage étonnant n’avait pourtant suscité jusqu’ici qu’une attention de surface, comme si les aiguilles de la conscience historique avaient refusé de reconnaître tout à fait ce temps des catastrophes qui, au Canada comme ailleurs, eut sa gloire et son public.
Mon commentaire:
Adrien Arcand est un personnage politique peu connu aujourd'hui. Et pourtant, il a été une figure montante et dirigeante du fascisme au Québec, pendant la Seconde Guerre mondiale. M'intéressant beaucoup à cette période de l'histoire, la lecture de cette biographie était toute indiquée. D'autant plus étonnant que je n'avais jamais entendu parler d'Adrien Arcand avant aujourd'hui.
C'est d'abord par curiosité que j'ai attaqué cette biographie. Un Führer canadien, je voulais naturellement en savoir plus. Adrien Arcand possédait l'art de raconter et de retourner les faits à son avantage. Il avait un certain charisme qui attirait les gens et les poussaient à le suivre et à le voir pour chef. Un don d'orateur et de meneur qu'ont en général les grands dirigeants et dictateurs de ce monde. Arcand était un grand propagandisme. D'abord par l'entreprise de ses journaux (il en a possédé plusieurs), il a débuté en lançant des flèches envers la politique en place. Ses propos étaient toujours virulents et satiriques.
S'inspirant du catholicisme (Arcand était animé d'un fervant penchant pour la religion, il était croyant, pratiquant, à la limite parfois fanatique et extrémiste) il fonde un parti très conservateur. C'est un homme qui a de grandes idées. Il souhaite d'abord redonner du travail aux gens, aider les agriculteurs, contrer la crise économique qui afflige les canadiens.
Il me semble que Arcand a toujours été raciste, mais que c'est à partir d'une controverse entourant le financement d'écoles juives qu'il trouvera un exutoire à ses convictions et des coupables à tous les maux du monde: les juifs. Ses journaux passent alors de publications satiriques à des feuilles de propagande haineuse. Son racisme virulent fait fuir ses annonceurs et ses journaux doivent régulièrement fermer leurs portes. Dès qu'il reçoit l'aide de mécènes qui approuvent son travail, il en ouvre d'autres.
Tout au long de ma lecture, j'ai été horrifiée par ce que je découvrais. On nous parle si peu de la Guerre et du nazisme comme étant quelque chose qui nous impliquait aussi chez nous, que cette partie de l'histoire demeure inconnue pour plusieurs et reste souvent confinée, dans nos esprits, à l'Europe. Le parti d'Arcand (le PNSC, Parti National Social Chrétien) recevait tout de même l'appui du public, puisqu'il demandait des choses pouvant aider les canadiens, les ouvriers, les fermiers et les pauvres. Arcand a toujours eu des problèmes d'argent et gagnait peu pour vivre et faire vivre sa famille, ce qui le rapprochait probablement de la classe ouvrière. Il présente des solutions à la crise économique, mais parallèlement, voue une haine féroce aux juifs.
Même s'il n'a pas toujours été bien accepté de partager les vues d'Arcand, son parti a tout de même connu ses heures de gloire. Arcand avait des contacts dans de très nombreux pays. Des personnalités connues ont été partisans de ses idées. Le nazisme était présent dans plusieurs familles, les photos qui accompagnent le livre en font foi. On y voit des mères de famille avec des nourrissons qui s'appellent Adolphe Adrien Benito et portant la croix gammée sur leurs vêtements. On y voit des regroupements de nazis dans des salles publiques, venus entendre parler leur chef. Une des photos qui m'a étonnée et à la fois horrifiée, c'est de voir que la croix gammée, aujourd'hui synonyme d'horreur sans nom, était utilisée sans que cela soulève les foules. Un immeuble de Verdun portait dans sa maçonnerie, le symbole de la croix gammée. Des travaux ont ensuite été faits pour modifier ce symbole aujourd'hui chargé de haine et de sang.
Arcand avait des idées très arrêtées, comme tous les fascistes et les partisans du nazisme dans le monde. Il a été arrêté et incarcéré pendant cinq ans. Même après la Guerre, après la mort d'Hitler et le dévoilement des atrocités qui ont été perpétrées contre les juifs, les Noirs, les homosexuels et les tsiganes, Arcand a toujours nié. Il a toujours perçu les crimes contre l'humanité dont on a accusé les nazis de grand complot juif pour salir Hitler.
La lecture de cette biographie et la rencontre avec un homme tel qu'Arcand m'a fait passer par toutes sortes de sentiments. Incompréhension devant les idées bornées d'un homme entièrement convaincu que ce qu'il avançait était bon. Horreur. Étonnement. De voir des images de nazis, chez nous, porter des uniformes, imprimer de la propagande, m'a fait l'effet d'une douche froide. Ce n'est plus seulement en Europe que ça se passait, mais à deux pas de chez nous. St-Hyacinthe était d'ailleurs le deuxième centre d'activité des fascistes au pays, après Montréal. Plus de 300 juifs ont été envoyés en camp à l'île aux Noix. D'autres, ainsi que des civils, ont été arrêtés et ont vécus dans des baraquements insalubres à Sherbrooke.
Adrien Arcand Führer canadien est une biographie très intéressante et surtout qui regorge d'informations sur une période de notre histoire qui a sombré (volontairement?) dans l'oubli. Chaque fois, je me demande toujours comment des peuples entiers ont pu devenir partisans de partis et adeptes d'hommes aux si sombres desseins. Pour avoir lu beaucoup autour du nazisme, je comprends l'emprise que ces hommes peuvent avoir sur les gens. Leur propagande nous montre aussi ce qu'ils veulent bien que l'on voit. Toutefois, mon coeur lui, ne comprendra jamais comment des hommes, au nom d'obscures raisons magnifiées par la folie, peuvent vouloir éliminer toute une race au profit d'une autre...
Le livre est bien écrit et accessible, même si on n'est pas féru de politique. Il y a beaucoup de notes référant à des documents et à différentes sources. J'ai beaucoup aimé ma lecture parce qu'elle m'a appris plus que n'importe quel cours d'histoire aurait pu le faire. C'est une période noire de notre histoire, reliée à l'histoire mondiale, que l'on peut revivre et apprendre à connaître pour que les choses ne se répètent pas.
Quelques extraits:
"La fascination qu'a entretenue une partie de la société canadienne pour le fascisme a été oubliée, voire refoulée, parce qu'elle témoigne notamment de la fragilité des fondements historiques de cette société, toute entière le fruit d'une expérience coloniale, mais aussi bien sûr en raison de la difficulté, ici comme ailleurs, de reconnaître pour sien, après l'Holocauste, un passé pareil." p.17
"Chez Sir Barry Edward Domville comme chez Arcand, la réclusion ne fit en définitive qu'accuser davantage leur propension à tout expliquer par des échafaudages fragiles de thèses de complots multiples se superposant les uns sur les autres, jusqu'à en perdre tout à fait contact avec la réalité." p.300
"Que vous puissiez, après tant d'années et malgré l'accumulation des preuves et des témoignages de ceux qui en furent les victimes - et ils sont légions - nier ou tenter de diminuer l'horreur des assassinats massifs, dépasse mon entendement." p. 330 [Lettre de Marcel Ouimet à Adrien Arcand]
En complément:
La lecture de cette biographie s'inscrit dans le cadre de plusieurs visionnement de documentaires sur la seconde guerre mondiale. Chaque oeuvre étant complémentaire à la précédente, elles offrent des aspects différents de la seconde guerre. Je ne peux que vous en suggérer le visionnement.
Amour, haine et propagande s'attarde essentiellement sur le rôle de la propagande pendant la guerre. La série de documentaires peut être aussi visionnée en ligne.
Apocalypse est une série remplie d'images d'archives inédites. Le coffret dvd peut être acheté, mais la série est présentement diffusée sur TV5.
Les deux sites web offrent énormément de contenu en ligne. Ils valent le détour.