Hurtubise
237 pages
Résumé:
La nuit est tombée sur Coventry, ville industrielle de l’Angleterre, en ce 14 novembre 1940. Harriet Marsh est juchée sur le toit de la cathédrale, à l’affût d’une attaque de l’aviation allemande. Depuis l’été, dix-sept raids ont eu lieu sur la ville, provoquant des dégâts limités. Le dix-huitième, qui se déploiera à la faveur d’une pleine lune propice, sera aussi le dernier. Pour Harriet, Jeremy, un jeune homme qui fait le guet avec elle, et sa mère Maeve, terrée non loin de là dans une cave, cette nuit tragique aura une incidence déterminante sur le reste de leur vie.
Mon commentaire:
Coventry est une ville d'Angleterre qui a fortement été touchée par les bombardements durant la Seconde Guerre Mondiale. Baptisé "Opération Mondscheinsonate" ("Sonate au clair de lune") le raid de bombardement de Coventry détruisit pratiquement toute la ville dans la nuit du 14 au 15 novembre 1940. Les avions déversèrent plus de 450 tonnes de bombes.
Le roman de Helen Humphreys raconte cette nuit qui changea la face de Coventry et l'âme des gens qui y vivaient. À travers le personnages d'Harriett, celui de Maeve et du jeune Jeremy, c'est toute une nuit de terreur qui revit sous nos yeux. Toutefois, ce roman a une force et une douceur absolument merveilleuse. L'auteur, d'une écriture délicate, empreinte de retenue, nous raconte l'humain qui tente de survivre avec les conséquences de la folie des hommes.
La construction du roman est très intéressante. Les personnages sont unis par des liens différents dans le temps. L'histoire se déroule essentiellement en 1940, toutefois l'auteur nous amène aussi en 1914, en 1919 et en 1962. Harriett est une jeune femme que les deux guerres ont quelque peu éteinte. Elle aime écrire. Essentiellement des descriptions de ce qui l'entoure et de la poésie. Jeremy est un jeune homme prêt à aider son peuple. Il se fera veilleur de feu à défaut de pouvoir s'enrôler, car il est daltonien sévère et l'armée ne veut pas de lui. Maeve a eu un passé mouvementé. C'est une femme qui ne reste pas en place. Elle dessine, pour oublier, se souvenir, conserver. Chacun d'entre eux est unique et vit la guerre à sa façon, en tentant d'y soustraire ses souvenirs, ses souffrances et ses peurs.
Coventry est un roman exceptionnel. En 237 pages seulement, l'auteur réussit le tour de force de mettre en place la vie de ses personnages, les liens qui les unissent et les bombardements. Ensuite, reste l'impensable: le ciel où il pleut des bombes, la lutte pour survivre, la peur, mais aussi l'amitié et l'amour. J'ai trouvé cette histoire d'une incroyable humanité et d'une douceur infinie. Plusieurs scènes sont frappantes, magnifiques et émouvantes. Il n'y a qu'à penser à celle où Harriett part dans la ville à la recherche de thé et rencontre un homme qui lui en procure. C'est un moment profondément triste et qui démontre bien l'ironie de la guerre versus la vie quotidienne des gens qui en sont les victimes...
L'auteur, une anglaise vivant au Canada depuis quelques années, a fait beaucoup de recherches sur Coventry (elle cite d'ailleurs ses sources en fin de volume). Si on se renseigne un peu sur cette nuit apocalyptique, on réalise que de nombreux éléments et anecdotes se retrouvent dans le roman: le rôle des veilleurs de feu, la reconstruction de la cathédrale sur les ruines de l'ancienne, le guide de voyage dont parle Harriett, la croix de clous. Même la lettre écrite par Owen est une véritable lettre.
Tant de faits réels pour un roman vrai et émouvant, profondément humain. À lire absolument.
Quelques extraits:
"La bibliothèque n'a pas été épargnée. La majeure partie du bâtiment est la proie des flammes. Harriet en sent la chaleur qui s'infiltre sous sa peau. Jeremy et elle sont accroupis derrière un rempart de débris accumulés en travers de la rue. Pour Harriet, l'incendie de la bibliothèque est bien pire que celui de la cathédrale. La salle de références avait de superbes arches en pierre et des rayonnages sur deux niveaux. Harriet aimait se tenir sur la mezzanine et embrasser du regard, par-dessus la rampe, les longues tables en bois avec leurs chaises inconfortables, les hommes et les femmes au front penché sur leurs livres. Quand un édifice est détruit, tout ce qui s'est passé en ses murs l'est aussi." p.148
"Quand quelque chose est anormal, les mots pour le décrire n'existent pas. On doit alors se contenter de mots empruntés, de mots tirées de la bonne vieille langue des choses normales." p.153