Jeff est affligé d'une cicatrice sur la lèvre dont il ne connaît pas l'origine. Sa mère reste évasive à ce propos : il s'agirait d'un "accident"... accident qui ne dit pas son nom, puisqu'il est clair que Jeff est défiguré par un bec de lièvre.
C'est autour de cette fente palatine que va se nouer le roman de Bruce Lowery. Elle stigmatise le jeune garçon qui est immédiatement perçu comme différent par ses nouveaux compagnons d'école, tous "fils et filles de... ". Les enfants ne sont pas tendres ; ils sont prompts à rejeter ce qui les indisposent, ce phénomène est bien connu ! Jeff va subir les sarcasmes des uns et des autres, au point de graduellement devenir l'objet d'un bannissement collectif.
Les tentatives de Jeff pour s'intégrer au groupe se soldent systématiquement par des échecs, jusqu'au jour où Willy, un garçon reconnu par tous, lui accorde son amitié. La vie devient plus simple pour le jeune héros, qui considère son camarade comme une sorte de bienfaiteur. L'admiration qu'il lui porte n'a pas de borne, et c'est ce sentiment quelque peu excessif qui va déclencher une cascade d'événements psychologiquement dramatiques et irréversibles. Willy et Jeff partagent une passion commune : la philatélie. Comme pour s'aliéner à toujours l'amitié de Willy, Jeff, envahi par une pulsion incoercible, subtilise quelques timbres à la collection de son ami.
L'engrenage inexorable du mensonge, de la trahison, du déchirement psychique va s'installer... et atteindre son paroxysme dans un dénouement tragique, dont Jeff sera bien involontairement le responsable.
Parce qu'il ne sait pas se défendre des moqueries et des méchancetés de toutes sortes dont il est la victime, Jeff "intériorise toute cette douleur, toutes ces blessures morales répétées. A cet âge si sensible, s'enfermant peu à peu, il souffre et fait souffrir ceux qui l'aiment sans réserve" (extrait de la quatrième de couverture).
Ce court roman, qui figure dans la liste des lectures contemporaines préconisées en collège, aborde le problème de l'exclusion et des conséquences désastreuses qu'elle provoque. Sans être simpliste, l'écriture est sensible et fluide. Mais je crains que si ce texte ne fait pas l'objet d'une lecture cursive bien menée, il ne motive pas vraiment les adolescents.