Alitalia dans la cour des grands sur l’Atlantique Nord.
C’est un club tellement fermé qu’il ne porte pas de nom. On se contente d’évoquer la joint venture, en anglais dans le texte (les initiés disent tout simplement Ť JV ť, une mise en commun des lignes transatlantiques d’Air France-KLM et Delta Air Lines, trio que rejoint ŕ présent Alitalia. Pour cette derničre, toutes autres considérations mises ŕ part, il s’agit incontestablement d’une forme de reconnaissance, de la confirmation de la crédibilité retrouvée de la compagnie italienne. Une vraie miraculée, on le sait.
La JV avance des chiffres impressionnants : 250 vols quotidiens entre l’Europe et les Etats-Unis, soit 26% de l’offre transatlantique, et un chiffre d’affaires annuel de 10 milliards de dollars environ. Le tout s’inscrivant dans le cadre de l’alliance SkyTeam dont les quatre protagonistes sont membres. Il s’agit donc, d’une certaine maničre, d’une alliance régionale en petit comité installée ŕ côté d’une grande alliance mondiale. Un cas de figure doublement intéressant dans la mesure oů il illustre la maničre dont se restructurent les forces vives de l’industrie des transports aériens. Celles et ceux qui ne sont pas de tels mouvements risquent fort d’ętre marginalisés et limités ŕ un avenir un peu étriqué.
C’est un débat sans cesse remis sur le métier, qui n’a toujours pas conduit ŕ une conclusion claire : jusqu’oů iront les alliances ? Une question compliquée, en Europe tout au moins, par les regroupements opérés au fil de ces derničres années, le cas exemplaire étant celui du Ťgroupeť Lufthansa, désormais numéro 1 sur le Vieux Continent. La JV anonyme, elle, quelle que soit la maničre de l’apprécier, renforce et étend cette évolution, grâce ŕ son immunité en matičre de lois anti-trust américaines.
SkyTeam ne chapeaute pas la JV ŕ proprement parler dans la mesure oů elle est purement territoriale et cherche ŕ jouer un tout autre rôle, en occupant une niche, si l’on ose dire, le terme étant impropre ŕ ce niveau de trafic. Ses membres s’y sentent sans doute plus ŕ l’ aise, jouant la complémentarité ŕ leur maničre, et cela bien qu’Air France-KLM et Delta soient précisément les piliers de SkyTeam, qu’elles ont portée sur les fonts baptismaux il y a dix ans. A l’époque, un peu légers, quelques experts et analystes avaient moqué l’initiative d’Air France pour la mise en place jugée tardive de cette alliance. Il était de bon ton, ŕ l’époque, d’affirmer que SkyTeam ne pourrait réunir que des adhérents de second choix. Le bilan, aujourd’hui, dit tout juste le contraire, le réseau SkyTeam étant fort de 898 destinations desservies par 13.000 vols quotidiens.
Il n’en que d’autant plus difficile de comprendre l’esprit et la lettre de la JV, Ťréseau unique et coordonnéť basé sur la mise en commun des coűts et des recettes des lignes concernées. La JV est en quelque sorte la filiale de quatre copropriétaires, dotée de 144 avions long-courriers, riche de 26 points d’entrée en Amérique du Nord. Evoluera-t-elle au-delŕ de ses objectifs actuels ? Rien ne perce ŕ ce propos.
Dans l’immédiat, on retiendra surtout la confirmation du retour d’Alitalia sur le devant de la scčne. Lors de sa renaissance en janvier de l’année derničre, Air France-KLM n’a pas pu en prendre le contrôle, essentiellement pour des raisons de nationalisme politico-économique, mais une prise de participation minoritaire a facilité la mise en place d’un Ťvraiť partenariat. Lequel se prolonge aujourd’hui dans la JV, bien installée sur un axe longtemps qualifié de voie royale du transport aérien. Et qui l’est encore, ŕ sa maničre, męme si le mythe s’est effacé.
Pierre Sparaco - AeroMorning