une taxation écologique doit-elle être significative et donc élevée?

Publié le 05 juillet 2010 par Rcoutouly

Suite du débat entre Jacques Weber et moi à propos de la fiscalité environnementale, sur le thème de l'importance de la taxation.


Rodrigue Coutouly-Penser que, pour être efficace, une taxation écologique doit être significative et donc élevée. L'instauration d'une taxe "significative" a des effets pervers démotivants. Elle entraîne des résistances importantes dans l'opinion publique et auprès des entreprises, quoi qu'en dise Jacques Weber, car on craint la perte de "compétitivité" et le jugement d'un électorat qui refuserait l'impôt par principe.

Il faut, au contraire, instaurer des contributions très petites, minces, symboliques. Mais à la condition de respecter deux principes clés des contributions incitatives:

-Leur augmentation est prévue, planifiée, connue à l'avance. Cette prévision, déjà imaginé par les promoteurs de la taxe carbone, permet aux acteurs économiques et aux consommateurs, d'anticiper sur leurs achats.

-les recettes des contributions incitatives servent intégralement à investir dans l'économie verte, dans la catégorie, le secteur dans lesquelles elles ont été prélevé. 

Jacques Weber:  "penser que pour être efficace une taxation écologique doit être significative et donc élevée" serait aussi une "croyance". Le penser à régulation globale inchangée, oui. En confondant état de départ état d'arrivée, oui. Mais en posant la question "existe-t-l une configuration de l'économie dans laquelle la richesse puisse se créer sur la maintenance ou l'amélioration des écosystèmes", la réponse est, j'en fais l'hypothèse, celle que je propose (avec d'autres à travers le monde). Que la transition d'un état à un autre doive se faire de façon très progressive: bien sûr. Cela étant la taxe carbone en Suède est aujourd'hui à 109 Euro, sans que les Suédois la rejettent. Mais en 1988, une loi suédoise a précisé que pour qu'une taxe écologique soit discutable au parlement la preuve devra être donnée que une ou plusieurs taxes d'un rapport au moins équivalent à celui attendu de la nouvelle taxe auront été abolies: dès lors, il était clair pour les Suédois qu'il s'agissait bien de taxes SUBSTITUTIVES et incitatives. 

Enfin, peut-être, du point de vue logique, le plus important. Dans mon esprit, il s'agit de raisonner A COÛT DE PRODUCTION INCHANGÉ. 

Il ne s'agit pas, par la fiscalité, d'alourdir les coûts mais de les redistribuer autrement. La compétitivité, dans son ensemble, ne devant pas s'en trouver affectée. 

Rodrigue Coutouly: Je ne parlerai pas, ici, de  l'idée de taxes substitutives que je trouve discutable et que j'aborderai dans un troisième article.

Nous sommes d'accord, comme la majorité des chercheurs et intervenants réfléchissants sur cette question : la fiscalité environnementale doit s'installer progressivement pour permettre aux acteurs (entreprises et consommateurs) de s'y adapter et d'anticiper. Le débat porte sur la forme de la courbe de progression de cette fiscalité.

Les promoteurs de la défunte contribution climat ont défendu l'idée qu'elle devait être significative d'emblée et progresser ensuite. On a vu ce qu'elle est devenu: elle a significativement disparu !

Je préfère, pour ma part, une courbe qui part pratiquement du point O dans l'axe des ordonnées mais dont le plan de progression soit immédiatement lisible et connu. L'avantage est de faciliter son acceptabilité par l'opinion. Même si on peut se douter que cela ne suffira pas. 

On compare souvent notre regrettée contribution climat avec la taxe carbone suédoise. Cela me semble en grande partie un raisonnement anachronique, car cette taxe a été mise en place il y a deux  décennies dans un pays où la conscience environnementale  a une autre dimension. 

"Il ne s'agit pas, par la fiscalité, d'alourdir les coûts mais de les redistribuer autrement. La compétitivité, dans son ensemble, ne devant pas s'en trouver affectée." Je reprend vos termes car le choix d'une stratégie fiscale efficiente dépend en grande partie de sa capacité à modifier les comportements et les modalités d'organisation de nos sociétés.

Or, cela serait une erreur de croire qu'une "bonne" fiscalité suffirait à changer nos sociétés. On le sait, la green-economy suppose des investissements énormes. Cela n'est pas un hasard si les chinois progressent trés rapidement dans ce domaine: ils réinvestissement une bonne partie de leurs liquidités dans  ce secteur.

C'est pourquoi je défend l'idée que la fiscalité verte ne doit avoir qu'un objectif : permettre d'investir dans ce secteur. A quoi bon, en effet, taxer l'essence du travailleur pendulaire péri-urbain si il ne dispose pas de modes de déplacement alternatif? Or, les temps ne sont guère propices aux investissements publics dans les transports collectifs. Une fiscalité coercitive aurait dans ce cas des effets désastreux sans rien changer aux comportements des différents acteurs sociaux. 

On pourrait procéder au même raisonnement dans d'autres secteurs : le logement en est un autre bon exemple. Les modifications réglementaires engendrées par le Grenelle n'ont d'effets significatives que sur les logements neufs. Dans l'ancien, le crédit d'impôts ayant des limites, on se retrouve bien en peine de définir une politique fiscale efficace, si elle ne se révèle pas incitative.

Or, il  n'y a qu'un seul moyen qu'elle le soit : que le produit des taxes environnementales prélevé sur le logement soit utilisé pour investir dans l'isolation et le chauffage de l'habitat existant

Ainsi conçu, la fiscalité verte est un outil de transfert de richesse entre l'ancienne économie carbonée et la nouvelle économie décarbonée. Le seul moyen de permettre l'émergence de cette dernière dans nos sociétés occidentales désargentées.