Les rires des enfants résonnent dans les parcs de Jérusalem, saisie en cette semaine festive par une estivale insouciance. Une boîte de matsa sur le coté, les adultes grignotent et palabrent à l'ombre d'un pin, les gamins poursuivent un cerf-volant. Quatre bambins espiègles, pieds nus, dégringolent d'un toboggan et leurs papillotes se soulèvent comme pour freiner leur descente. Un peu en retrait, un garçon religieux discute avec une jeune fille orthodoxe assise à l'autre extrémité d'un banc public, observés par une petite soeur qui sans nul doute s'empressera d'aller tout rapporter à ses parents.
Un groupe de sportifs les dépasse, ils déchiffrent en courant la bannière qui surplombe leur têtes. L'affirmation ici célèbre, assénée par sa famille depuis bien trop longtemps s'est transformée en une interrogation terrible.
"Gilad est toujours en vie...?"
La télévision diffuse depuis la semaine précédant Pessah' une nouvelle série. Elle s'appelle "H'atufim" - les otages - et raconte la libération de deux soldats israéliens après 17 ans de captivité en Syrie. Certains détestent, d'autres, j'en fait partie, adorent. Personne, c'est certain, n'est indifférent. Trop proche cette réalité, trop vraie cette histoire.
Du reste, les publicités sont régulièrement entrecoupées de ce clip, glaçant comme un dernier avertissement. Le visage de Gilad Shalit peu à peu se mue en celui de Ron Arad, disparu en 1986. Il ne reviendra plus, c'est admis. Je me rappelle son visage poupon sur un tract à l'école primaire, puis barbu et marqué par l'isolement, au local d'un mouvement de jeunesse parisien. Mais Gilad, lui, reviendra-t-il?
Gilad Shalit était sur le premier poster des campagnes pour sa libération en compagnie d'Ehud Goldwasser et Eldad Regev. Leurs corps ont été récupérés en 2008 lors d'un échange de prisonniers au court duquel le Hezbollah a également reconnu avoir perdu le corps de Ron Arad. Le clip conclut: "il nous est interdit de perdre du temps".
Au sommet de l'arbre qui surplombe le parc, sur les antennes des voitures à quelques pas, noués aux boucles des sacs des étudiants sur l'herbe, les rubans s'enroulent sur eux-mêmes et se tortillent dans la brise, torturés par les jeux d'un vent malicieux. Ils appellent à sa libération. L'étoffe au début presque dorée a pâli au soleil, son jaune est devenu fade. Dans tout le pays depuis plus de trois ans, balayés par le sable et la poussière, ils perdent doucement leur éclat.