La semaine dernière, vendredi matin. Entre les tentes et les provisions, nos sacs entassés dans le coffre de la jeep s'entrechoquent à chaque tournant. Discussions entre copains sur la route de Galilée, nous remontons la route 90 à travers les territoires palestiniens. Trois heures pour refaire le monde sans parvenir à nous défaire de cette impression d'avancer tel un état funambule, seul à l'heure de tous les dangers.
Au croisement après le checkpoint, un vendeur de pastèques gesticule sur le bord de la route. Cinq pour 20 shekel (4.5€), on en stocke toute une cargaison. L'air conditionné les maintient fraiches pendant que nous descendons vers l'entrée des sources du mont Tabor. Nous poursuivons encore vers le nord, traversons les collines à travers champs à la recherche d'un bosquet d'eucalyptus indiqué sur la carte, et dépassons les villages arabes au loin, dont les gamins mordus de foot trépignent déjà d'impatience en attendant la diffusion du Mondial. Les toits sont couverts de drapeaux, à chaque maison un pays. Les mollets lacérés par les épines des chardons, nous nous frayons ensuite un chemin vers les restes du ruisseau déjà tari, parmi les cactus et autres piquantes créatures végétales sur les collines asséchées.
Toutes les photos sont d'Ido, mon appareil ayant rendu l'âme quelque part sur la route vers Nahal Amud. Pour les voir en grand, il faut cliquer!
Dans un champ de paille coupée, nous organisons un campement, allumons un feu, protégé par une muraille de pierre plates pour contenir ses étincelles. La voix lactée éclaire la nuit noire alors que nos légumes finissent leur cuisson sous les braises, bercés par les grincements des arbres qui s'effleurent et se frottent de leurs branches feuillues. La forêt palabre. Au petit matin, Ido grille nos tomates cuites par le soleil dans une chakchouka au goût fumé pendant que j'avale sous un cèdre un bouquin de Murakami. "Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil" - on ne saurait trouver plus adapté à notre situation...
La radio parle d'une flottille internationale en route pour Gaza, nous y prêtons à peine attention tandis que nous longeons le lac de Tibériade pour accéder au Golan et ses cascades d'eau pure. Entrés sur la réserve de Yehudiya, nous rencontrons un caméléon peu farouche, et une végétation luxuriante, aux antipodes de la désolation désertique de la veille. Lors du retour vers Jérusalem, la conversation reprend sur les mêmes sujets.
- "Le moment venu, nous ne pourrons compter que sur nous même."
- "Nous n'avons pas d'autre choix, nous devrons être plus forts."
- "Et surement essayer d'être plus justes, aussi..."
Une semaine a passé. Si la perspective d'une guerre s'éloigne avec les jours qui passent, la crise ne fait que commencer. Les décisions du gouvernement et de l'armée sont loin d'être toutes justifiables, certaines furent même inconsidérées. Il eut fallu que les choses se déroulent différemment, mais prétendre que le bateau turc transportait des humanitaires pacifistes est une vaste tartufferie. Le pire des scénarios, comme souvent, est réalisé.