Accablés par une chaleur caniculaire, les étudiants de l'Université Hébraïque se trainaient cette semaine d'un bus aéré à une bibliothèque conditionnée, en minimisant surtout le temps passé au dehors. Sous la douce caresse d'un vent estival, la ville retrouve enfin la fraîcheur de ses nuits. Jeudi soir, en contrebas des murailles grises de la vieille ville, on se presse dans l'antique bassin du Sultan entre les gradins, petit pull à la main pour les plus prévoyants, ou depuis les balcons de l'église qui nous surplombe, pour quelques nones mélomanes. Sous les cieux étoilés, s'élève le chant rauque d'une flute orientale. L'hyperpopulaire Projet Idan Raichel entre en scène.
Les trompettes jazz soulèvent joyeusement un chant traditionnel éthiopien, les notes d'une clarinette klezmer s'infusent de poésie arabe, se fondent entre les sonorités du dialecte yéménite et celles d'un psaume en hébreu biblique, avant de retrouver les sons plus typiques de la musique pop. Au gré des paroles, les langues s'allient et se délient, réunies dans un son unique, incroyablement riche et surtout résolument israélien, englobant dans ses inspirations les dédales culturels d'une société aussi plurielle que fragmentée.
Il est courant que les artistes dédient une chanson à Gilad Shalit lors de leurs concerts, mais celui-là était un peu particulier. Quatre ans déjà, jour pour jour. Nous avions entendu la nouvelle à la radio avec Raphaël, en vacances en Israël, un peu abasourdis, sans être surs d'avoir bien compris. C'était avant la guerre du Liban en 2006. Mickael Jackson était encore en vie, Barack Obama n'était qu'un sénateur inconnu de l'Illinois.
"Ne laisse pas ta voix s'étrangler, ni couler une larme. La porte va s'ouvrir, il la franchira avec fracas, quand ils reviendront vers leurs frontières..."
Quatre ans complets ont passé depuis l'attaque du Hamas et l'enlèvement de Gilad en territoire israélien. Le blocus de Gaza est maintenant très largement levé, mais les négociations sont au point mort. Tel est le poids de l'échec: 71% des Israéliens se déclarent aujourd'hui prêts à libérer des terroristes en vue d'un échange. Le dilemne, pourtant, reste terrible (j'en parlais précédemment ici, et là). Isolé, loin de tout et paradoxalement si proche, se doute-t-il seulement que les gens ici se lèvent pour chanter à sa libération?