La Belgique a succédé à l’Espagne le 1er juillet, prenant les rênes de la présidence semestrielle tournante de l’Union européenne. Une présidence qui se fera très discrète, et pour cause : le gouvernement belge est devenu fantomatique. Les élections du mois dernier ont ainsi marqué un nouveau pas vers le chaos politique. Les séparatistes flamands sont arrivés en tête, leur ouvrant les portes d’un gouvernement dont la formation pourrait mettre des mois à aboutir. En attendant, la gouvernance se réduit à l’expédition des affaires courantes. Cette crise interne belge n’est pas sans conséquences pour la France.
Vers une explosion inéluctable de la Belgique ?
Dans les temps à venir, la Belgique continuera probablement à se détricoter, transférant toujours plus de compétences aux régions linguistiques. Mais il n’est pas sûr qu’un nouvel assèchement du pouvoir central belge suffise à calmer les ardeurs indépendantistes de nombreux Flamands, tant les deux communautés ne se comprennent plus – dans tous les sens du terme. La toile de fond, économique, est presque caricaturale : la Wallonie, ancienne région la plus riche d’Europe à l’époque glorieuse de la sidérurgie, de la métallurgie et du charbonnage, s’est effondrée, avec la fermeture des premières mines dès les années 50. Parallèlement, l’économie flamande a pris son envol vers la prospérité.
Et l’épicentre d’un tremblement de terre qui emporterait définitivement le pays pourrait être la banlieue de Bruxelles, dans l’arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvorde, où la question du statut des francophones vivant dans cette région flamande exacerbe les tensions. Les gouvernements ne parviennent pas à trouver de solution équilibrée sur ce dossier, qui a d’ailleurs fait chuter le dernier gouvernement.
Les Français prêts à ouvrir leur porte aux Wallons…
Si la Flandre devenait à terme indépendante, qu’adviendrait-il de la Wallonie ? L’hypothèse d’un rattachement à la France ne paraît pas si farfelue. Les Wallons sont en effet francophones, familiers de la télévision et la radio françaises, et sont affectivement proches des populations françaises limitrophes. Par ailleurs, sur un plan historique, ils ont déjà fait partie de la France, notamment entre 1792 et 1814. Enfin, même leur symbole national est similaire au nôtre : le coq !
En cas d’éclatement de la Belgique, 66% des Français seraient favorables au rattachement de la Wallonie à la France, selon l‘Ifop. Cette nette majorité ne cesse de se renforcer au fil des années (ils étaient ainsi 54% en 2007). Toutes les catégories de population y apparaissent favorables, les plus enthousiastes étant les personnes âgées et surtout les habitants les régions frontalières avec la Belgique : le Nord-Pas de Calais, les Ardennes et la Meuse. Ce débat sort apparemment de la traditionnelle arène politique, puisque la variable de l’appartenance partisane n’influe absolument pas sur les réponses. Le fait que les responsables politiques ne se soient pas exprimés sur cette question – si délicate diplomatiquement – y est certainement lié.
…mais les Wallons restent attachés à la Belgique
Le cœur des principaux concernés, les Wallons, ne bat pas encore en France. Ils se sentent au contraire patriotes et opposés au démembrement de leur pays. Ainsi, 67% estiment ainsi que les élus wallons ne doivent pas accepter les nouvelles demandes des Flamands en matière de régionalisation et d’autonomie. D’ailleurs, les partis indépendantistes wallons n’ont pas percés lors des dernières élections.
Par ailleurs, ils se montrent relativement confiants dans les capacités de résistance de leur pays aux tentations sécessionnistes. Ils sont certes presqu’unanimes (96%) à estimer que la crise politique et institutionnelle est grave, mais seule une petite minorité (20%) pense que la Belgique va disparaître. Cette nouvelle crise politique sortie des urnes ne s’apparenterait donc qu’à une énième secousse sismique, ne remettant pas en cause l’existence d’un royaume vieux de 180 ans. En tout état de cause, si la Belgique devait se scinder, les Wallons ne trouvent pas dans la France un possible plan B. Non seulement les personnes souhaitant que leur région intègre la France sont minoritaires (32%), mais leur poids a fortement diminué depuis 2008 : ils étaient alors 49% à être favorable au rattachement.
Si les deux communautés belges devaient divorcer, ça ne serait donc pas par consentement mutuel. Et, si la séparation devait avoir lieu, les Wallons ne se précipiteraient pas dans les bras des Français, pourtant prêts à les accueillir…