Le récit s'ouvre sur une lettre minuscule comme s'il n'y avait pas de début à cette histoire de grosse, de trop grosse, celle de la grosse Céline Rabouillot que rien ne prédestinait à devenir garde-barrière. et qui vit sans majuscule une vie toute petite, humble avec un physique trop imposant pour tous ceux qui se moquent d'elle au village. Elle traîne son corps comme si elle avait la charge de valises. Elle le cache en jetant sur ses épaules un châle de soie noire à grandes fleurs qui éclatent comme des coquelicots. Alors le boucher et les autres autour la traitent d'excentrique et se moquent d'elle, encore et toujours, quoi qu'elle dise et quoi qu'elle fasse! Ils ne la connaissent pas mais ils savent qu'ils ne l'aiment pas.
Alors Céline vit dans ses rêves. Elle attend son Roland de Roncevaux, son beau chevalier. Elle court chaque matin vers sa boîte aux lettres mais elle n'y trouve que de la publicité. A perte de vue la route est vide.
Elle a tout perdu dans la vie, Céline : sa beauté car elle fut une belle jeune femme rousse, son amoureux, l'homme errant de Sibérie,le père de son enfant, son trop bel enfant fauché en pleine course.
Elle n'a plus rien ni personne que ce gros corps qui la tient loin du monde. Alors pour vaincre ce chagrin, Céline essuie les larmes des autres enfants . Elle découpe des nuages dans du papier et va rendre visite à ceux que la vie oublie.
Elle fait de son mieux pour rendre heureux les enfants d'une voisine indifférente et surtout elle consacre son temps à rendre heureux son seul vieil ami Anatolis, son voisin d'en face,désormais en phase terminale.
Elle vit ainsi, heureuse malgré tout, de petit bonheur en petit service rendu mais la vie la rattrape encore avec ses dures réalités: Plus de gare, plus d'emploi, plus de maison, plus de voisins et la corde s'use de Roland de Ronceveaux.
C'est une belle histoire tissée dans une écriture faite de rêve et de simplicité.
De plus, dès le premier chapitre,un bel hommage est rendu à un de mes poètes préférés René-Guy Cadou. C'est aussi à lui et à Hélène sa femme entre autres que le livre est dédié
Pourquoi n'allez-vous pas à Paris?
Mais l'odeur des lys! Mais l'odeur des lys!
Poème : ICI
Beaucoup trop nombreux sont les blogs qui ont publié des billets sur ce livre pour que je puisse les citer tous.. Merci cependant à Clara qui l'a fait voyager et à Sophie qui me l'a fait parvenir!
La Grosse de Françoise Lefèvre
(Babel, 1994, 109 pages)