La Guerre à 15 mètres sous
terre…
Pendant la guerre, il est courant de trouver d'anciennes
carrières d'extraction de pierre
réaménagées pour les besoins des
armées, et particulièrement dans les plateaux
de l'Aisne, dans la région de Soissons. Lorsque les
soldats allemands enlèvent la
Caverne du Dragon aux
Français, ils prennent l'avantage.
Le
refuge est un emplacement stratégique : la
Caverne permet des attaques et
des replis par surprise sur le
Chemin des Dames, route de crête surplombant
les vallées de l'Aisne et de
l'Ailette. Protégés du froid
malgré une forte humidité, les
Allemands transforment la Caverne en une
véritable caserne avec postes de
tirs et un réseau
d'électricité. Alors que les morts
s'amoncellent dans les tranchées,
l'aménagement allemand dans les
artères souterraines se met en place : des
dortoirs, une chapelle, un
puits, un poste de secours et
même un cimetière… Quand ils
ne servent pas à protéger des tirs ou d'attaques au
gaz, les murs de pierre se parent de
souvenirs de soldats au repos :
dessins ou messages tracés à la fumée de
bougie et autres gravures. Pour
s'occuper, les plus habiles sculptent des objets
en utilisant des balles et des douilles
usagées.
Le 25 juin 1917, peu après
l'échec dramatique de l'offensive
Nivelle, des soldats français
remportent une victoire : la prise de la
Caverne du Dragon. Ils repoussent peu à peu les
Allemands au fond de la grotte. A partir du mois de juillet
et jusqu'en octobre 1917, les deux camps ennemis imposent
alors leurs frontières intérieures,
chacun restant sur le qui-vive. Désormais, le moindre bruit
entendu dans les salles de la grotte devient source
d'inquiétude…
Quel contraste, en arrivant à ce lieu de mémoire, entre les travaux des champs de ce mois de juillet et la présence, sous nos pieds, de cet antre qui servit de refuge aux armées ennemies, à cheval sous le front lui même, de sorte que, lorsque des vagues d'assaut françaises se ruaient pour escalader la pente sous le feu des mitrailleuses allemandes et tenter de prendre ce lieu stratégique, des soldats Allemands surgissaient des entrées latérales de la caverne et prenaient les Français à revers.
Quand on apprend que la caverne elle-même, immense décor de l'enfer où se distinguent très précisément les coups régulier des gouges des carriers qui exploitaient ici le calcaire dès le 16° siècle, fut à un moment aussi ligne de front : chaque camp avait érigé des murs à l'intérieur de ce trou, pour se protéger de l'adversaire...pendant qu'au jour, le feu roulant des canons parvenait, en quelques endroits, à faire ébouler le toit de roche.
Quelle émotion de voir ces reliques, conservées comme figées dans la rouille et à 12° de température et avec 100% d'humidité : des fusils, des bobines de fils électrique, téléphonique, barbelé, des douilles d'obus récupérées, détournées, décorées, des casques explosés, des bayonettes et les grenades à main (l'allemande, à manche, appelée "le presse purée" par les français) exposées côte à côte....
A quelques kilomètres, le village de Craonne, fameux par sa chanson antimilitariste, évoquant les mutineries de 1917, et qui resta interdite en France jusqu'en 1974.....
"Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme
C'est à Craonne sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés"
Caverne du Dragon - Musée du Chemin des Dames - 02160 OULCHES-la Vallée-Foulon (02 23 25 14 18), visite guidée toutes les 30 minutes, gratuit jusqu'au 15 novembre.
Une belle exposition temporaire de photographies de Gérard Rondeau "Les fantômes du Chemin des Dames, le presbytère d'Yves Gibeau"