De prime abord la Suisse est un pays inintelligible. Comment se fait-il que ce pays de 7 millions et demi d’habitants puisse exister tout simplement ? Il est en effet très divers : quatre langues y sont parlées, l’allemand, le français, l’italien, le romanche, soit autant de cultures différentes ; plusieurs religions y cohabitent ; 22% d’étrangers vivent sur son sol.
Quel est donc le secret de cette unité dans la diversité helvétique ?
« Sans en remplir toujours toutes les conditions, la Suisse montre qu’une cohabitation entre communautés culturelles et linguistiques différentes au sein d’un même Etat suppose la présence simultanée et conjointe de trois composantes :
- L’identité culturelle
- La communication interculturelle
- Une culture politique commune à toutes les communautés linguistiques et culturelles »
Quelle est cette culture politique commune, ciment de l’unité helvétique ?
Les maîtres-mots de cette culture sont démocratie directe et fédéralisme. La démocratie directe permet à la population de participer et de dépasser les clivages. Le fédéralisme permet de refléter les différences locales et de les unifier au sommet en partant de la base :
« La subsidiarité va de pair avec le fédéralisme et peut se résumer en une formule […] fameuse : « Ce que les communes peuvent faire, le canton ne doit pas le faire, ce que les cantons peuvent faire, la Confédération ne doit pas le faire » ».
Le respect fondamental des différences politiques et culturelles des communes et cantons est la condition d’un consensus minimum et ce consensus est indissociable du fédéralisme. Il y a interaction entre eux.
Ce consensus n’est atteint qu’après consultations et discussions généralisées qui se traduisent par des solutions de compromis et le pragmatisme :
« L’attitude pragmatique vise toujours des solutions concrètes. On part toujours du principe qu’il y a toujours une solution à un problème, même difficile et délicat, et l’on mettra le temps nécessaire pour la trouver, même si ce temps est long, trop long pour certains »
La démocratie directe suppose une participation active du citoyen :
« C’est la possibilité qu’a chaque citoyen de participer très largement au système politique qui nous semble importante, plus que la participation elle-même […]. Si certains citoyens s’abstiennent, d’autres en font davantage que la normale. C’est alors l’esprit de milice […]. Il s’agit de la participation bénévole de nombre de citoyens qui s’engagent dans un esprit d’ouverture et de dialogue à participer à nombre d’activités collectives de réflexion, de discussion et d’élaboration de propositions en vue de trouver des solutions aux grands défis de la société et d’aider ainsi les autorités dans leur tâche. »
Le citoyen peut désavouer les autorités publiques par référendum, proposer par initiative populaire :
« [Cette démocratie semi-directe] a permis le développement progressif d’une volonté populaire réfléchie et […] a contribué au développement de valeurs telles que la tolérance (par opposition à l’intransigeance idéologique), le respect des autres (des autres langues, cultures, religions, partis etc.) et le bon sens. »
Uli Windisch illustre ces propos d’exemples pragmatiques de résolution de problèmes linguistiques dans les communes « frontalières » où cohabitent Suisses alémaniques et Suisses romands, d’exemples de débats engagés à la faveur des initiatives populaires ayant pour objet le nucléaire et la suppression de l’armée.
Ce livre est donc une pierre de plus apportée à la compréhension du fonctionnement de la Suisse et de sa réussite singulière. A lire par tous ceux qui constatent que dans leur pays les divisions se creusent davantage entre citoyens et que leurs institutions ne tiennent tout simplement aucun compte de leur avis, sinon tous les cinq ans et en bloc. Suivez mon regard...
Francis Richard