J'avoue éprouver des sentiments contradictoires à propos de Mohamed Hussein Fadlallah, le leader spirituel du Hezbollah. D'un côté, je n'aime pas ce mouvement politique pour le tort qu'il cause au Liban, et également pour la haine farouche qu'il voue à Israël. Mais de l'autre, Fadlallah a été un grand chef spirituel, modéré voire progressiste dans le domaine sociétal.
Il a condamné les attentats de septembre 2001, s'est opposé aux attentats suicide au sein de son mouvement, et fait preuve de beaucoup de courage sur la condition de la femme, récusant toute forme de domination masculine et réprouvant clairement les violences faites aux femmes en terre d'Islam ; plus que cela en fait : concédant aux femmes le droit de répondre à la violence physique par la violence physique ! On faillit s'en étouffer de rage à l'Université Al-Azar ! Dans une mise au point postérieure, il précise que le mariage n'est pas l'expression d'un droit de propriété de l'homme sur la femme mais d'un contrat dont les règles fondamentales sont fixées par un verset du Coran (d'abord une gestion financière commune d'un logis, si j'ai bien compris). Mieux encore : il avait édicté une fatwa en 2008 pour engager les Libanais à respecter les domestiques étrangères. Il a dit un jour qu'il avait été sauvé d'un attentat par la présence d'une femme qui insistait pour lui demander conseil. Il le leur a bien rendu...
A côté de cela, l'homme est un grand poète, rompu à la rhétorique et aux exercices littéraires les plus fins, amateur expert de littérature.
J'ai dit qu'il était le leader spirituel du Hezbollah, mais en fait il s'en défendait, et ce mouvement politique ne l'a jamais clairement admis. J'ai cru comprendre aussi qu'au fil du temps, il éprouvé de plus en plus d'agacement devant la main mise progressive de l'Iran sur le Hezbollah (Manifestement, il avait quelques difficultés avec le concept de Guide Suprême toujours en vigueur, d'ailleurs, au sein de la République islamique).
Sa mort est assurément une grande perte pour l'Islam et pour les Shi'ites. In fine, si diplomatiquement, comme tous les cadres du Hezbollah, on peut juger son action catastrophique (la lutte armée à outrance contre Israël a eu un coût désastreux pour le Liban), humainement, il a joué un rôle majeur pour sa communauté.