Samedi, 1er jour de week-end des soldes. La foule est là. Dans ce dédale du forum des halles, à l'image du palais-labyrinthe de Cnossos en Crète, je suis perdue. Moi aussi vais-je succomber à cette fièvre acheteuse? Les gens se bousculent, se heurtent mais ne se regardent pas. L'objectif est ailleurs: se faire plaisir en achetant.
Je rentre dans un magasin, je ressors aussitôt. Quelle idée de venir un samedi après-midi faire les soldes à Paris? Les hommes en position sacrificielle attendent leurs femmes gentiment en dehors des boutiques et ont l'air de se faire relativement ch... alors que le match Allemagne-Argentine a sans doute déjà commencé.
Nouvelle tentative. Second magasin. Je rentre et je ressors. Il faut que je m'habitue mais j'ai déjà au bout d'une demie-heure, le tournis. Troisième magasin, je rentre, je regarde, je trouve 2 ou 3 articles et je fais la queue pour accéder aux cabines. On a l'air toutes ridicules, là à attendre en randognon calmement que la jeune vendeuse nous donne l'autorisation d'accéder aux cabines. Je me revois à cette instant le jour de la rentrée des classes, où la aussi, il fallait mimer cette mise en scène du rangement.
Enfin, j'accède à la cabine tant désirée et j'essaie. Il n'y a pas beaucoup de place dans ces machins là, il fait chaud et je dois passer 4 articles dont une robe que je m'arrive pas à
à enfiler.
Je me galère. J'ai chaud. Grosse interrogation philosophique: mais qu'est-ce que je fous là? Je me calme. Finalement je ressors de cet enferment temporaire, je remets à la vendeuses 2 articles, j'en achète 2 et et m'en vais. Suis-je satisfaite. Je ne sais pas. J'ai acheté des
vêtements. Voilà c'est fait. Je ne rentre plus dans les magasins, j'en ai assez, je regarde les vitrines et les gens qui s'y engouffrent. La foule est toujours là, de plus en plus nombreuses sortant des embouchures du métro et regagnant la cohorte consumériste qui papillonnent d'achats en achats.
Et puis finalement, je m'arrête à la Fnac. On y vend des DVD en solde. Je n'aime pas la Fnac. Je n'aime pas l'organisation de ce magasin. Je n'aime pas l'obscurité de ce lieux, où l'on trouve pourtant de la culture à portée de main. Je parcours ces allées du désordre, et me mets en quête de 5 DVD pour 30 €. J'en prends, j'en laisse. J'en reprends, et j'en relaisse. Choisir c'est renoncer, je renonce donc à "Un dernier pour la route" pour "Citizen Kane". Pendant mon choix cornélien, j'ai le droit aux commentaires des gens sur les films. Une fille parle à son copain en regardant "Étreintes brisées" d'Almodovar: "le dernier film d'Aménaboar, j'adooooooooore Aménaboar". Bien sûr...
Mon choix est fait, vite je m'enfuis. J'ai donc acheté:
-Demineurs de C. Bigelow, film récompensé aux oscars comme meilleur film de l'année
-Séraphine de M.Provost
-Partir de C.Corsini
-Citizen Kane de O.Welles
-Vas, Vis et Deviens de R. Mihaileanu.
Je rentre chez moi, je commence à regarder Partir. C'est moyen, un film français classique, un triangle amoureux, des acteurs corrects, et une musique assez pesante. Bof
Et puis, j'enchaine avec Va, vie et deviens.
Ce film du réalisateur du concert http://lexilousarko.blog.fr/2009/12/21/le-concert-7620690/ , est un fresque sensible et humaniste.
D'abord, il a comme point de départ un fait historique méconnu: celui des juifs éthiopiens. En 1984 une vaste opération est menée par Israel pour sauver les juifs éthiopiens pour mettre fin à cette autre diaspora. Dans le film, un mère chrétienne dans un camps soudanais sait que c'est le dernière chance de son fils de vivre: il doit quitter cet endroit où les enfants meurent chaque jour entre les conflis et la famine. Elle lui demande pour cela, de se déclarer juif afin qu'il soit amener en terre sainte.
Arrivé à Tel Aviv, Salomon comme il se prénomme désormais, a sa mère de substitution qui meure rapidement. Placé dans un orphelinat, il est alors adopté par une famille française juive. Il doit apprendre à grandir "avec ce double secret: ni juif, ni orphelin seulement noir".
Si le film, a parfois tendance à un lyrisme un peu trop appuyé, les thèmes évoqués sont justes:
-R. Mihaileanu évoque la question de la judéité à travers les yeux de Salomon: qu'est-ce qu'être juif en Israel? Faut-il être religieux, ou émigré avec un désir fort d'appartenance à la terre sainte sans pratiquer et lire la Torah. Peut on être noir et juif? On voit combien ces questions sont liées à l'histoire, aux symboles, et aux personnalités politiques. L'assassinat d'Yitzhak Rabin mettra fin à une politique d'ouverture sur ces questions identitaires en laissant place aux traditionalistes religieux.
-Les questions du racisme et de l'intégration sont également évoquées. Salomon est noir. Cette différence est lourde à porter dans une école et une société qui blanche. La difficulté de s'intégrer comme immigré dans une société qui ne souhaite pas vous accueillir surajoute à au problème de la couleur de peau
-Au fil de film, on assiste finalement à la construction d'un homme. Malgré les épreuves, malgré les obstacles, Salomon deviens ce quelqu'un que sa mère voulais qu'il soit. Ni totalement juif, ni totalement éthiopien, ni totalement français, mais totalement conscient de la force de la vie. Un message à l'image de la résilience de Boris Cyrulnik, Salomon a su de son parcours, de son apprentissage, avec des rencontres tracer son chemin: cette mère adoptive, ce papy juif, ce religieux éthiopien et l'image toujours là de cette mère absente , à l'image de la lune pour le guider...
Hier soir, j'étais émue par la fin de ce film qui m'a fait du bien. On était alors loin, très loin des soldes, de la foule, de l'affaire Betancourt. Juste l'histoire belle et émouvante de Salomon...
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