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Beethoven par Anima Eterna : fidélité et liberté

Publié le 13 décembre 2007 par Philippe Delaide

Concert hier soir à la Salle Pleyel. l'Ensemble Anima Eterna, sous la direction de Jos van Immerseel, interprétait un programme Beethoven :

  • l'Ouverture "Die Weihe des Hauses" (La Consécration de la maison) opus 124,
  • le Concerto pour piano et orchestre N°1 en ut majeur opus 15,
  • la Symphonie N°5 en ut mineur opus 67.

J'avais déjà évoqué, dans la note du 22 septembre 2006, le choc salutaire que m'avait procuré l'Ensemble Anima Eterna dans l'interprétation des trois dernières symphonies de Mozart. Avec un tempo soutenu mais non excessif, une ligne tendue comme il faut et un orchestre très ramassé et homogène, Jos van Immerseel révélait de tous les instruments anciens qu'il dirigeait une sève divine. Enfin des symphonies de Mozart de "chair et de sang", vivantes, nerveuses et enivrantes.

Sur Beethoven hier soir, le chef nous a procuré le même plaisir.

L'échauffement sur la singulière et martiale Ouverture "Die Weihe des Hauses annonce la couleur. Les cuivres teintent de tout leur éclat sonore tout en conservant ce brin d'imprécision et de "grain" propre aux instruments anciens.

Le parti pris esthétique de Jos van Immerseel est en effet de revenir sur des instruments dont la facture est la plus proche possible de celle de l'époque de création des oeuvres. Ce souci de véracité et de retour également à une lecture la plus stricte possible du texte, doit conduire en principe à une nouvelle lecture de ces oeuvres et doit permettre de les découvrir à nouveau sous des nouveaux angles.

Sur les deux autres sélections du programme Beethoven, je trouve que le pari est assez réussi.

Le 1er concerto pour piano, encore très mozartien sur le premier mouvement, dévoile peu à peu ses accents beethovéniens. Jos van Immerseel est cette fois au clavier et démontre à quel point il est un pianiste éclairé au jeu pertinent. Il jouait hier sur piano forte allemand original Johann Nepomuk Trödlin de 1830, restauré à Anvers par Jan van den Hemel. Ce piano, d'un bois aux couleurs ambrées et chatoyantes, dévoile des sonorités très claires sur les aigues, un medium et un grave pleins et généreux. Toutefois, malgré l'acoustique exceptionnelle de la salle Pleyel, et les efforts de l'orchestre pour avancer à pas feutrés, ce piano (pourtant un trois quart de queue ?) se révèle encore comme un instrument de salon à la sonorité bien trop délicate pour se diffuser pleinement et de façon naturelle à plusieurs centaines de spectateur.

A noter dans cette interprétation, une belle fusion piano et orchestre, un second mouvement (le Largo) d'une poésie indéniable et une surprenante cadence très personnelle du pianiste sur la fin de ce mouvement et digne d'une bourrée !

Le sommet du concert était indéniablement l'interprétation de la célèbre 5ème symphonie en ut mineur. Jamais je n'avais eu jusqu'ici l'occasion de découvrir à quel point son écriture était audacieuse et fantasque. Grâce à une intelligence rare du texte, Jos van Immerseel réussit l'exploit de nous révéler l'architecture et les ressorts rythmique comme harmoniques des différents mouvements. Même s'il veut être le plus fidèle possible aux caractéristiques esthétiques originelles de cette symphonie (instruments anciens, configuration de l'orchestre à effectifs réduits), le chef prend une liberté de lecture décapante mais tout à fait respectable : une interprétation en pleins et déliés, des motifs détourés à la pointe sèche qui cohabitent avec certains passages rendus avec un fondu superbe. Le parti pris d'une forme de questionnement permanent sur le fameux premier mouvement, avec une sensation omniprésente de non achèvement est particulièrement bien vu. Sans parler de la pointe d'humour, d'ironie qui surgit parfois mais avec beaucoup de finesse.

Enfin, à noter, les sonorités pleines, capiteuses et fruitées de cet orchestre où chaque interprète est d'un niveau exceptionnel (à noter le flûtiste Frank Theuns qui s'est nettement détaché dans cette symphonie par sa virtuosité et sa musicalité).

On est interpelé, emmené de bout en bout par le chef et son ensemble, sans pouvoir souffler la moindre seconde, pendant la trentaine de minutes de la symphonie.

L'ensemble enregistre d'ailleurs en ce moment l'intégrale des symphonies de Beethoven sous le label zig-zag territoires. A découvrir visiblement pour avril 2008.

Pour vous faire une idée, je vous suggère ce lien vers le site Avro Klassiek, où vous pourrez écouter la 6ème symphonie de Beethoven interprétée par le même chef et le même ensemble (enregistement de 1999).  Depuis, je confirme que Jos von Immerseel a mûri ses symphonies de Beethoven. Toutefois, les fondamentaux sont déjà bien présents.


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