"Un autre aspect de la prédation des services publics réside dans la dégénérescence corporative de la fonction publique. Dans une société comme la France, suspendue à un Etat centralisé, le sentiment de justice dépend de la vertu des grands corps qui l'administrent. Leur dévouement et leur sens l'intérêt général sont censés irradier de proche en proche tous les rouages de l'Etat, jusqu'au plus humble de ses serviteurs. Ce sont les devoirs attachés à une charge publique (ce que les médiévaux appelaient l'officium) qui justifient les avantages concédés à son titulaire (le beneficium). Cet esprit de service public a été mis à mal par la conversion des dirigeants aux valeurs du secteur marchand (théorisée récemment sous le nom de new public management) et par la pratique du pantouflage, qui leur permet de conserver le bénéfice sans avoir la charge. Dès lors que les dirigeants ne sont plus l'image de la vertu, mais celle du cynisme et de la cupidité, ceux qui cumulent tous les avantages prêchent en vain l'ascèse à ceux qui subissent les rigueurs du temps."
Alain Supiot, l'esprit de Philadelphie
Pour un cas de pantouflage que j'avais trouvé particulièrement scandaleux, voir ce passage d'une ex du cabinet Aubry chez un groupe de santé privé, et le genre de confusion mentale que cela peut entraîner.
Je suis évidemment favorable à l'interdiction totale du pantouflage : un fonctionnaire travaillant dans un groupe privé doit avoir démissionné préalablement de la fonction publique. Il n'y a aucune justification à la situation actuelle.