"Sur ce marché total, le Droit (tout comme la religion, les idées ou les arts1) est considéré comme un produit en compétition à l'échelle du monde, où s'opèrerait la sélection naturelle des ordres juridiques les mieux adaptés à à l'exigence de rendement financier. Au lieu que la libre concurrence soit fondée sur le Droit, c'est le Droit qui devrait être fondé sur la libre concurrence. Ce darwinisme normatif avait déjà été théorisé par Hayek. Ne croyant pas à "l'acteur rationnel" en économie, il se fiait à la sélection naturelle des systèmes normatifs, par la mise en concurrence des droits et des cultures à l'échelle internationale.
[...] En Europe, cette orientation est activement promue par la Cour de justice des communautés européenne qui a consacré le droit pour une entreprise d'éluder les règles de l'Etat où elle exerce toutes ses activités en s'immatriculant dans un autre Etat dont les règles sont moins contraignantes2."
"
1. Cf. Coase, "the market for goods and the market for ideas", American Economic review, vol. 64, 1974.
2. CJCE, 9 mars 1999, Centros
Alain Supiot, l'Esprit de Philadelphie