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Laurent terzieff : une voix s'est tue

Publié le 04 juillet 2010 par Abarguillet

LAURENT TERZIEFF : UNE VOIX S'EST TUE


C'était d'abord une voix, ensuite un regard intense, douloureux, qui dévorait de son feu un visage émacié. Longue silhouette osseuse, d'où tout le superflu avait disparu, Laurent Terzieff, qui vient de mourir à l'âge de 75 ans, occupait une place à part dans l'art théâtral, celle si rare d'un homme qui tente de nommer les choses et surtout de dire véritablement ce qu'elles sont. De nous spectateurs, il demandait l'écoute, de lui acteur, il exigeait l'excellence, parce qu'on ne se fait pas impunément l'écho des profondeurs, le chantre de quelques-uns des plus beaux textes de la littérature.


D'origine russe, né en 1935, il était arrivé en France à l'âge de 9 ans, marqué par les horreurs de la guerre et déjà sensible à ce qui dans l'homme s'acharne à se perdre. C'est le cinéaste Marcel Carné qui lui offrira sa première chance en lui proposant l'un des rôles-titres dans son film   Les Tricheurs  en 1958, où il campe un étudiant bohème et cynique, salué par la critique unanime comme l'un des jeunes premiers les plus prometteurs de sa génération. Par la suite, il tournera avec Bunuel, Pasolini, sans que pour autant le 7e Art donne satisfaction à sa quête personnelle, telle qu'il la concevait, privilégiant  le texte à l'image et donnant voix à des auteurs comme Pirandello,  Ibsen,  Carol Bernstein,  Claudel,  Adamov,  Bretch, ainsi qu'aux poètes qu'il appréciait par-dessus tout : Oscar Milosz et Rainer Maria Rilke.

Avec sa compagne Pascale de Boysson, il créait en 1961 la compagnie de théâtre Laurent Terzieff, seul moyen de s'assurer une complète liberté et la possibilité de mettre en scène et de choisir les rôles qui correspondaient  le mieux à ses interrogations. Passionné, il s'engageait à fond dans ce qu'il faisait, prêtant à ses personnages une intensité rare. A chaque apparition, il semblait se mettre lui-même en péril, comme si sa vie en dépendait, comme s'il était habité par la Parole ... des autres. " L'écran peut mentir, pas la scène " - se plaisait-il à dire. Et cette phrase le révèle. Lui, qui avait commencé sa carrière d'acteur par un film dont le titre était les tricheurs, était l'homme qui ne trichait pas, ni dans sa vie, ni dans sa profession qu'il assumait à la manière d'un sacerdoce. Parce que c'est de vérité intérieure dont il s'agissait. De cette vérité qui tient l'homme vertical, tel qu'il l'était lui-même. Mieux encore qu'un grand seigneur de la scène, comme certains se sont plus à le qualifier, à juste titre d'ailleurs, c'est un homme sans compromissions dont je me plais à évoquer le beau visage ravagé par l'exigence.

 

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