(Téléphagie) Consommation en séries et culture en général : une crise, quelle crise ?

Publié le 04 juillet 2010 par Myteleisrich @myteleisrich


Les questions téléphagiques existentielles de Livia, le retour... Cela faisait quelques mois que je ne vous avais plus ennuyés avec elles ! Cependant, ma tentative de rédiger l'édito de ce mois de juillet m'a plongée dans une nouvelle introspection sur le sujet. Rappelez-vous, en décembre, je vous parlais de "crise téléphagique". Je me lamentais à l'époque sur la pauvreté des nouveautés de la saison 2009-2010 aux Etats-Unis. Depuis, j'ai l'impression d'avoir atteint un nouveau stade dans ma téléphagie mais, peut-être aussi, d'y voir un peu plus clair.

Ce mois de juin a été propice, aux Etats-Unis, au lancement de multiples séries de mi-saison, qu'il s'agisse des fonds de tiroirs des grands networks ou des dernières nées de chaînes câblées. Persons Unknown, Scoundrels, Pretty Little Liars, Huge, etc... je les ai bien vues passer, j'ai même parcouru quelques critiques sur ces diverses nouveautés. L'offre était donc bien là. Pourtant, je n'ai regardé, en tout et pour tout, qu'un seul pilote américain au cours du mois de juin : il s'agissait de Rubicon. Parallèlement, si on fait les comptes, dans la même période, j'ai visionné 5 pilotes de séries ou mini-séries britanniques, y compris les "essais" de BBC3, 5 pilotes de séries sud-coréennes et 1 pilote de série japonaise (qui a dit que je n'étais pas pilotovore ?). Vous comprenez ma préoccupation : ma consommation américaine a chuté au niveau de la japonaise. Et pour que vous cerniez bien l'étendue de cette désaffection, il faut préciser que je ne regarde, actuellement diffusée, qu'une seule série américaine par semaine (merci True Blood). Et la seule reprise que j'attends, en ce mois de juillet, venue d'outre-Atlantique, c'est White Collar. Pourtant, si on prend mon visionnage de séries dans sa globalité, le niveau se maintient.

Bref, les Etats-Unis et moi, nous sommes un peu en train de voir nos routes téléphagiques s'éloigner de plus en plus. Que se passe-t-il ? Où est passée cette hégémonie qui a construit ma sériephilie au cours des quinze dernières années ? Est-ce une question de goûts qui évoluent, d'attentes désormais différentes ? Les séries américaines seraient-elles devenues "nulles" ? Pourtant, dans la blogosphère et sur les forums dédiés au sujet, j'ai l'impression que mon cri retentit dans un vide sidéral, comme si j'étais seule confrontée à ces doutes, tout le monde poursuivant son quotidien téléphagique sans le moindre grain de sable pour ébranler ses certitudes (même si certains n'ont pas été tendres avec les dernières nouveautés). Le problème viendrait-il donc de moi, non de l'offre téléphagique proposée ?

Alors je me pose des questions : pourquoi n'ai-je même pas eu envie de tester tel ou tel pilote américain en ce mois de juin ? Ce n'est pas un souci de qualité, puisque je n'ai même pas souhaité visionner les pilotes. En y repensant, il y a tout un tas de raisons qui me viennent à l'esprit, très différentes suivant les cas. Par exemple, il y a ces séries des grands networks que l'on devine, avant même leur programmation, déjà condamnées. Prenons Persons Unknown. Honnêtement, l'histoire aurait potentiellement pu me plaire, le casting également. Mais pourquoi aurais-je envie d'aller m'investir dans une série déjà virtuellement abandonnée, en laquelle personne ne parait croire ? Cela ne me donne aucune motivation pour tenter l'aventure, peu importe que les scénaristes aient prévu de boucler l'ensemble en 13 épisodes réglementaires. Ne vous moquez pas, non, je ne suis pas devenue allergique au fonctionnement de la télévision américaine, j'ai juste maintenant un peu de mal à cautionner certaines pratiques. Je deviens peut-être conservatrice, mais j'ai l'impression d'avoir désormais besoin d'une part de certitude. Une mini-série britannique (ou une saison de 6 épisodes), ou bien une série asiatique, vous savez généralement d'avance où vous mettez les pieds et dans quoi vous allez vous s'investir. Il y a un contrat pré-établi et univoque avec la chaîne de diffusion.

Sauf que, si ce besoin de sécurité agit effectivement à la marge chez moi, vous allez m'objecter à juste titre que j'ai pourtant testé les pilotes de séries "potentielles" de BBC3, pour lesquelles aucune certitude n'existe. Et à partir de là, je crois qu'on touche à un second problème, structurel celui-là, que je suis en train de percevoir de plus en plus clairement. J'ai longtemps été plus que fascinée par ce vaste pays que sont les Etats-Unis, par sa diversité, ses paradoxes, sa culture et son histoire. Or, désormais, il faut le reconnaître : cet intérêt a faibli. Ne vous méprenez pas, il y a des aspects qui exercent toujours chez moi une véritable fascination : le Sud profond, l'histoire passée ou certains milieux plus atypiques. En revanche, les surannés New York ou Los Angeles me laissent à présent presque de marbre.

On aurait tort de voir en la "sériephilie" une passion indépendante et de vouloir cloisonner ses diverses activités culturelles. Mon attrait pour les séries a toujours été conçu comme partie intégrante d'une vie culturelle plus globale. Finalement, est-ce un hasard si, au cours des quinze dernières années, les romans que j'ai le plus lus étaient écrits par des auteurs américains, si les films que j'allais le plus voir au cinéma étaient américains ? Il ne faut pas y voir là qu'une simple question d'offre dominante. Or, aujourd'hui, si je fais un bilan plus général de ce début d'année 2010, quels livres ai-je lus dernièrement (histoire de faire quelques parallèles) ? L'ombre des armes, de Hwang Sok Yong, Là-bas, sans bruit, tombe un pétale de Ch'oe Yun, L'éternel Empire de Yi In Hwa, Le pendule de Foucault d'Umberto Ecco... Pour tout vous dire, le dernier auteur américain que j'ai lu en 2010, c'était Cormac McCarthy, vous visualisez donc le genre.

J'ai souvent l'habitude de dire que la téléphagie fonctionne par cycle, avec un mouvement de balancier incessant, mais je pense aussi qu'elle s'inscrit dans une curiosité culturelle globale, avec laquelle elle intéragit. Elle est un reflet de centres d'intérêts plus profonds. J'avoue avoir longtemps pensé qu'il y avait quelque chose de déterminant dans le seul format télévisuel. Le postulat de base, moteur de tout, serait l'affirmation suivante : "j'aime les séries". Naïvement, j'imaginais que, au-delà des frontières, le label "série" serait ce dénominateur commun qui expliquerait, seul, cette volonté constamment renouvelée de toujours faire de nouvelles découvertes. C'est une vision des choses à laquelle je ne crois plus vraiment ; ou, du moins, je pense que c'est très réducteur d'apprécier ainsi son identité téléphagique.

Chacun a un rapport propre au petit écran, qui lui est personnel, par conséquent, mes vues sont très subjectives. Mais, de façon plus prononcée qu'auparavant, j'ai l'impression que ce qui me motive à pousser toujours plus loin la découverte de nouveaux horizons téléphagiques, ce n'est pas seulement la sériephilie en tant que telle, c'est un mouvement plus vaste. Ce n'est probablement pas un hasard si ma baisse d'intérêt pour les productions américaines coïncide avec ma baisse d'intérêt pour l'Amérique en général. Pour moi, les séries ont toujours constitué un vecteur d'ouverture vers une culture, vers une société. Leur visionnage a pu être la conséquence d'un intérêt pré-existent pour tel ou tel pays, ou bien il a pu aussi générer une fascination pour de nouvelles destinations. Je ne me serais sans doute jamais véritablement arrêtée sur la culture asiatique si je n'avais pas eu le prisme des séries pour m'y introduire. Pourtant, désormais, mon attrait dépasse de loin ce seul média télévisuel. Il existe une intéraction entre tous les aspects de cette vie culturelle que je n'avais jamais perçue aussi clairement qu'actuellement.

Certes, à trop essayer de comprendre le pourquoi du comment, j'en viens peut-être à tirer des conclusions excessives, mais je pense avoir mis à jour certaines dynamiques téléphagiques, dont je n'avais jusqu'à présent jamais pleinement pris conscience.

Au fond, peut-être que mon problème avec les séries américaines, surtout celles des grands networks, ce n'est pas un souci de qualité, de style ou même de politique de diffusion... Peut-être que mon réel problème vient surtout du fait qu'elles racontent une Amérique, ou du moins une facette de celle-ci, qui ne m'intéresse plus désormais ?

J'avoue que c'est plus une hypothèse qu'une certitude, mais c'est un peu comme cela que je comprends ma sériephile actuellement. Mon amour des séries ne semble pas remis en cause, j'en veux pour preuve le temps que je passe toujours devant elles... Alors, serait-ce une forme de maturation d'une passion qui, elle, demeure intacte ? Est-ce grave, docteur ?


Et vous, chers lecteurs, rassurez-moi, avez-vous déjà expérimenté ce type de "crise téléphagique" ? Les nouvelles productions des grands networks US vous fascinent-elles toujours autant ?

PS : Tout cela ne veut pas dire que je ne parlerai plus de séries américaines sur ce blog, mais il fallait que je vous confie un peu mes doutes et essaye de vous expliquer pourquoi je parle de ces fictions proportionnellement assez peu, par comparaison à la place prise par les séries britanniques ou coréennes.