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J’ouvre les persiennes sur le petit jour qui s’en vient.
La plaine au loin s’étire jusqu’aux confins de Ventoux.
En blé, asperges et maïs, elle étend sa grasse besogne entre les bras de Sorgues.
Entre deux vallons pierreux, une plaque de neige veille encore sur les faits et gestes du printemps qui s’attarde.
Le voici, cette fois qui s’arroge le droit de sauter par-dessus les saisons, nous transportant, haletants et épuisés, du souffle froid à la plus intense chaleur, sans autre forme de procès.
Nous sommes les sujets de ce roi qui n’en fait qu’à sa tête.
Il en est toujours pour tenter de se rebiffer à ses ordres souverains, ne se doutant point qu’ils ne peuvent rien contre le sceptre implacable.
Que ce roi décide de souffler sur les braises d’un monde ruiné, et, d’un soupir nous voici occis.
Haletants mais ne perdant rien de notre esprit de vindicte, nous chercherons bien encore à briser les griffes qui nous prennent à la gorge.
Nous tenterons la révolte quand il faudrait se rendre chercheurs.
La quête qui nous appelle est celle de la raison, celle qui se fait aux battements réguliers qui nous anime.
Notre quête devrait ouvrir des yeux neufs sur ce que nous n’avons encore su apprendre.
Ce lien qui nous noue au vaisseau qui nous vit naître, cette ancre ombilicale depuis un siècle coupée et qui nous pousse à la dérive sous la coupe de raisonnements insensés, nous avons pour devoir de nous en affranchir et d’explorer les vastes territoires délaissés, sacrifiés sur l’autel des féroces avidités et des ombres calculs.
Laissons-nous donc un instant étreindre par les bras sinueux du fleuve jailli de nulle part et de partout.
Apprenons donc à vivre en terre philosophale, celle qui jaillit du bonheur d’aimer plus que de compter.
*
De rêves tendres caressons les nuits,
En douce paroles rythmons les désirs :
Attendre,
Trouver la patience d'attendre,
Et,
Dans la salle d'attente des cœurs,
Puisons la sagesse,
Dans le vertige des mains qui se cherchent…
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Saint Saturnin lès Avignon, 22 mai 2010
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