Magazine Cuisine
Hissa Takeuchi est le seul maître de cuisine japonaise que je connaisse. Ses livres m'avaient ouvert de nouveaux horizons sur la diversité culinaire japonaise réduite en règle générale aux sushis et autres yakitori lorsque l'on va manger japonais au coin de la rue. Bien plus que ça, le travail de Hissa m'avait enchantée tant par son esthétique et sa virtuosité que par son esprit créatif. Son livre de nouvelle cuisine japonaise (Agnès Vienot éditions) reflète son travail et sa façon de voir la cuisine dédiée au corps et à l'esprit.
Grâce à un autre de ses livres, Leçon de cuisine (les éditions culinaires) qui distille le savoir pas à pas, je m'étais aventurée dans la fabrication de mes premiers makis (pikapika et don-don). Ce samedi dernier, pourtant je n'en menais pas large, quand je me suis retrouvée derrière le comptoir de son restaurant Kaiseki avec Lavande, Cathy, Cléa, Parigote, Jean-Paul et Dorian.
Le maître était en face de nous, il allait nous initier à l'art du bentô. Pour l'accompagner, Elisabeth Takeuchi, son épouse et parfait binôme tout en complémentarité (pour les livres par exemple : à elle la rédaction des textes, à lui la création des recettes) a joué le rôle de coordinateur. En duo, ils nous ont emmené au pays du soleil levant, nous expliquant leur vision de la cuisine, nous faisant goûter des produits ô combien différents ce que nous pouvons connaître ici et puis ils nous ont parlé des bentôs, de leur réalisation, de ce qu'on y met dedans, à qui ils sont destinés...
Le bentô, c'est le repas nomade des japonais, la lunch box anglaise, notre pique-nique à nous sauf que là-bas, le bentô n'est pas une boîte plastique remplie d'une salade quelconque avec trop de sauce, c'est un joli contenant à deux étages comprenant des mets artistiquement disposés où tout est pensé, réfléchi, optimisé. Ne croyez pas que ce soit rébarbatif, le bentô laisse place à une grande créativité couplée de gourmandise.
Les boîtes en elle-même sont bien plus jolies que nos boîtes plastiques. Leur matière et leur design sont en général assez recherchés tout en restant simple.
Qui confectionne les bentôs ? Les mères de famille japonaises bien sûr ! Elles les réalisent chaque matin pour chaque membre de la famille. Le contenu de chaque bentô est différent, adapté aux goûts de l'autre et truffé de petits messages "alimentaires" pour souhaiter une bonne journée, bonne chance, célébrer l'amitié...
On met quoi dans un bentô ? Ce qu'on veut ! Le principe initial est de prendre ce qu'il a dans le frigo et de créer un repas avec : on ne jette rien, on optimise, on crée tout en restant pratique.
En terme de produits, j'ai découvert des produits très miam comme la sauce soja mariée au yuzu, la petite prune ume-boshi très salée mais très bénéfique pour la santé, le miso au yuzu. En revanche, pour le konyaku, là c'était juste pas possible, je n'ai pas réussi à aimer. Il s'agit de racine de konjac séchée puis pulvérisée qui donne une espèce de pâte aux vertus rassasiantes. De loin, on dirait une pomme de terre. 100% fibre, 0% de gras, le japonaises en mangent lorsqu'elles souhaitent faire un peu de detox ou la diète. J'espère ne devoir jamais être au régime au Japon !
Grande découverte et c'est probablement ce que j'ai préféré dans ce que nous avons cuisiné, ce sont ces petites bouchées au poulet frit kara-age. La chair reste tendre, l'extérieur est croustillant et les algues donnent un goût d'ailleurs vraiment très agréable. Difficile de vous donner la recette, tout a été réalisé sous l'impulsion d'Hissa mais voici dans les grandes lignes le déroulé de la recette.
Découper des cuisses de poulet (enlever préalablement l'os) en bouchées. Dans un saladier, casser un oeuf et y ajouter une cuillère à soupe de sauce soja, deux cuillères à soupe d'algues furikake (en poudre) et environ 4 cuillères à soupe de maïzena. Dans un autre saladier, monter en neige deux blanc d'oeuf. Verser le poulet dans le premier saladier et mélanger puis tremper rapidement chaque bouchée dans le blanc d'oeuf et mettre à frire dans de l'huile à 160°C. Egoutter. Proposer pour le service quelques gouttes de jus de citron.
Pour moi, qui vais à la cantine (et donc qui ne sait même pas ce que je vais à manger avant d'avoir mis un pied là-bas) et qui de façon tout à fait exceptionnelle prépare un kit pique-nique, le bentô reste quelque part quelque chose de mystérieux et fascinant à la fois.
J'admire toutes ces personnes capables de prendre le temps de préparer leur déjeuner alors qu'il est encore l'heure des tartines beurrées (parfois j'imagine qu'elles n'ont pas le choix : pas de cantine ou une cantine médiocre, un régime particulier, une question de budget...). Je ne deviendrais probablement pas Miss bentô mais une chose est sûre, je ne verrais jamais plus les pique-niques ou les pauses déjeuner nomades comme avant.
Oubliés les papiers aluminium et autres boîtes plastiques au couvercle parfois incertain, j'utiliserai mon bentô, celui m'a été offert par l'équipe du même nom. Encore merci ! Joli, évidemment pratique et ergonomique, j'ai déjà vu d'autres modèles qui me plaisent bien pour pouvoir faire des bentôs pour d'autres que moi (je ne serais pas en train de me transformer en mère japonaise ;-) ?)
Vous voulez en savoir encore plus sur l'art du bentô ?
Piochez des idées dans le nouveau livre d'Elisabeth et d'Hissa : le manuel pratique du bentô (Agnès Viénot éditions). La première partie est consacrée aux ingrédients, aux recettes de bases et vous illustrent certains tours de main. Un bel ouvrage pratique et accessible à tous.
Vous avez envie de manger au Kaizeki ? Voir Hissa à l'oeuvre est un beau spectacle à voir. Il y tant de dextérité, de vivacité, de sensibilité chez lui. Et en plus, il est vraiment sympathique.
Restaurant Kaiseki
7 bis, rue André Lefebvre
75015 Paris
Téléphone : 01 45 54 48 60
Pendant cet atelier, nous avons eu la chance d'avoir une photographe pro : Jullette Valtiendas. Toutes les photos de ce billet lui appartiennent sauf la première que j'ai faite. Merci également à Emmanuelle et Monbentô pour ce très beau moment.