Au premier abord, j’ai craint une redite de l’exposition d’Esther Shaliv Gerz au même endroit il y a quelques mois : rien que du bien-pensant, du politiquement correct, des grévistes, des migrants, des Tibétains, le Chiapas, le sommet anti-capitaliste, voire, sujet plus douteux, l’indépendance du Kosovo. Mais, à la limite, peu importe (pour nous) ce que Bruno Serralongue (au Jeu de Paume jusqu’au 5 septembre) photographie, ce pourrait être aussi bien la Fête des rosières à Penne d’Agenais, un rassemblement du Gush Emunim ou un chukka de polo à Rosario, sujets tout aussi intéressants. Car ce qui compte, c’est la démarche qu’expose Serralongue, sa volonté de questionner la fabrication de l’information, sa quête des interstices entre les news.
Ce qu’il photographie, pour l’essentiel, ce sont des foules et des signes.
Foules organisées, enrégimentées derrière un service d’ordre, des slogans, des leaders, non pas la rue informe, mais la manif, le congrès, le rassemblement (en haut : “Land First Mela”, Rural Festival on Land Rights, Kandivali, World Social Forum, Mumbai, 2004, Série “World Social Forum, Mumbai”, 2004. Tirage Ilfochrome contrecollé sur aluminium, 127,5 x 158,5 cm, édition 1/3, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, © Bruno Serralongue, courtesy Air de Paris). Et tous les signes qui encadrent ces foules, qui leur indiquent quoi crier, quoi dire, quoi penser, les drapeaux, les posters, les banderoles (Newborn, Priština, Kosovo, mardi 17 février 2009, Série “Kosovo”, 2009. Tirage Ilfochrome contrecollé sur aluminium, 127,5 x 158,5 cm, ea1/2, © Bruno Serralongue, courtesy Air de Paris et Francesca Pia). Même les feux d’artifice sont des mouvements de foule tout sauf innocents (ainsi ceux du Handover de Hong-Kong à la Chine). Tout un décodage qui émerge (inconsciemment, sans doute) de ses images, mais qui, face aux dérives, kosovares ou autres, m’a frappé dans cette exposition.En fait, cette exposition de Serralongue est assez déprimante, mais peut-être pas au sens où lui le souhaitait. Heureusement, au dessus, il y a Kentridge (billet dans quelques jours).
Photos courtoisie du Jeu de Paume.