Une fois de plus les stratégies éditoriales ont été déjouées. Alors qu’en septembre sortira le prochain roman de Michel Houellebecq « La carte et le territoire », je me suis procuré le manuscrit inédit de l’œuvre.
Bien évidemment je ne peux – sauf si vous insistez – vous livrer l’ensemble de ce roman qui renoue avec ses premières armes…
Le début ? Le voici :
"A l’instant où d’autres s’endormaient, je me réveillais : c’était devenu une habitude. Un moment de flottement après l’amour quand la nuit commençait vraiment et que j’éprouvais cette torpeur si proche, je l’imaginais, de cette figuration d’un univers nanographique, bien au-delà des océans et des cieux, là-bas où ne resteraient de l’ancienne typologie que des cartes. Mais des cartes à jouer.
Celles qui m’avaient fait perdre.
Pourtant il y avait les autres, celles des cartographes qui m’avaient entraîné là. Les pires.
Elles ne relèveraient jamais d’aucune contrée, pas même d’une étoile non pas qu’elles fussent périmées mais disons plutôt qu’on en avait perdu la traduction ou, mieux, qu’elles étaient en l’état de palimpsestes dont le sens était devenu insignifiant. Mais il fallait leur donner leur chance à ceux-là qui écrivaient des contours, l’abcisse et l’ordonnée d’un avenir probable. Trop lucides, il ne subsistait pour eux qu’une érosion, que la dérive molle des continents comme deux êtres qui s’aiment.
Je m’extirpais de cette dérive sans un regard sur elle. Mauvaise carte encore.
La nuit devenait lourde, sinueuse dans une odeur de chair.
- Je vais tout jeter. Et les mots d’abord. Tout jeter, c’est ça, tout jeter.
Elle remua dans les draps. La chaleur n’avait cessé de s’accroître ces derniers jours. Avec un grognement, elle se retourma sur le centre du lit comme une île perdue dans l’océan ou comme une bouteille à la mer.
C’était bien çà, une métaphore de ce vertige nanographique. Je fixais le mur blanc.
- Jeter quoi ? dit-elle soudain en se dressant.
- Les mots.
- Dis donc, il restera pas grand chose, gloussa-t-elle.
Elle haussa les épaules tandis que j’observai ce silence qui commençait à s’écrire entre nous. C’était cet instant décisif où le jeu pouvait basculer et que de nouvelles hypothèses surgissaient. Par exemple ce creux dans lequel nous pénétrions comme dans des tubes concentriques, ce dernier territoire où je pourrais aborder.
Tout dépendrait encore de ces monotubes de carbone sur lesquels je travaillais avec obstination. Plus précisément ces pentagones de carbone caractéristiques des fullerènes.
L’univers devait se concentrer ici : des sphères carbonnées ou des atomes de carbone étaient disposées en polyèdres réguliers répartis sur la sphère. Et j’expérimentais une sorte d’ascenceur spatial ou du moins l’une de ces applications qui rangerait la conquête de l’espace dans le domaine des dernières utopies médiévales."
Bon, ce sont juste les premières lignes. Si vous voulez la suite...
Mais est-ce bien vrai? Puis-je vous garantir la primeur de ce futur chef d'oeuvre? Une fiction reste une fiction!