Mercredi 12 décembre 2007. Il est tard, et je regarde un épisode des Experts sur TF1. Oui, je sais, mais si je considère que TF1 est en grande partie responsable de la formidable baisse de niveau de notre bonne vieille télévision française, elle qui tire vers le bas le téléspectateur, afin de flatter ses sentiments les plus vils, comme le voyeurisme, et l’inciter à envoyer moult SMS, qui rapportent des sommes considérables à TF1, avec la complicité active des opérateurs de télécommunication, qui prélèvent leur marge au passage, je considère également comme du snobisme nauséabond le fait de toiser les téléspectateurs de TF1 de haut, en les considérant comme des moutons décérébrés, bouffeurs de soupe froide à coups de langue rugueuse et de grands « SLUUURRRPS » désagréables. Ouf. Il en faut pour tous les goûts, et tous les spectateurs de TF1 ne tapotent pas fébrilement sur leur téléphone portable pour sauver un Kevin quelconque, candidat improbable d’une émission de télévision toute en paillettes et en dorures, miroir sans tain d’une société qui s’autocongratule et se met en scène, oubliant que la vie, la vraie, celle des enfants et des maladies et des contingences, se déroule hors du téléviseur.
Mais le débat sur la qualité de la télévision française fera probablement l’objet d’un billet ultérieur. Pour le moment, c’est les idées véhiculées par nos brillantes séries américaines qui m’interpellent, ou du moins m’ont interpellé hier soir.
Le sujet était simple, pour que chaque téléspectateur puisse bien comprendre, et voir clairement qui étaient les méchants et qui étaient les gentils : un snuff movie avait été tourné, la bande est arrivée dans les mains des experts, et ceux-ci déploient des trésors d’énergie et de déduction pour parvenir à arrêter le méchant psychopathe. J’avoue qu’à 1 heure du matin, la simplicité du sujet, comme de son traitement, me convenait parfaitement.
Mais voilà, les américains ne se contentent pas de tourner (fort bien, en général) des films de télévision destinés à faire une grande audience : ils en profitent souvent pour utiliser ces films, et les acteurs de ces films, afin de faire passer un certain nombre de messages plus ou moins acceptables, messages que l’on pourrait presque qualifier de subliminaux. Ainsi, le traitement de la religion dans les téléfilms américains est toujours délicieux à observer.
Hier soir, donc, les Experts se sont montrés experts… en génétique. En effet, ils nous ont expliqué que les « montres » (c'est-à-dire les pédophiles, les tueurs de vieillards, les serial killers, etc..) étaient des montres de par leur gènes. Que c’était inné, en eux, et que, je cite, « ces salauds viennent au monde pourris jusqu’à la moelle).
Voilà. Lorsque c’est Nicolas Sarkozy qui le dit dans un discours, tout le monde s’offusque, et à juste titre, de la possible dérive que ces propos laissent entrevoir : qui dit gènes, génétique, dit contrôle de l’embryon pour éviter de mettre au monde des monstres. Eh oui.
Mais lorsque ce sont les Experts qui l’affirment, cela rend un son différent : les Experts sont des experts, ils savent de quoi ils parlent. S’ils disent que la pultion de meurtre est génétique, comment les contredire ?
Ce billet ne sert à rien, je le sais. Certains me diront que je coupe les cheveux en quatre, d’autres que l’impact d’une telle analyse, aussi primaire et erronée soit-elle, est minime, eu égard à l’heure de diffusion de cet épisode. Certes. Mais ce qui m’ennuie le plus, en définitive, dans cette propension (tiens, j’allais écrire propagande) américaine à diffuser des messages puritains, bien pensants et manichéens, c’est le fait que les américains qui regardent ces films s’approprient ces idées, les font leurs, y croient, et les diffusent.
Ca n’ira pas en s’arrangeant, malheureusement. Il n’est qu’à lire certains échanges sur des forums francophones pour constater que ce genre d’idées ne choque plus grand monde. Décomplexés, qu’ils disaient. Oui, mais en un seul mot.
Crédit photo : Georgios M. W./Stock Exchange