Dans l’actuel imbroglio juridico-politico-financier, une proposition de loi apparemment assez simple, portant le modeste n°268, restera à valider cet automne par l’AN en pleine tempête woerthienne. Elle risque non seulement de passer inaperçue, mais encore de soulager un certain nombre de personnes publiques impliquées dans des affaires déprimantes pour le corps électoral. Elle propose de modifier le texte de l'article L 432-12 du Code pénal concernant la prise illégale d’intérêt. Cet article deviendrait :
«Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque (supprimé) "personnel distinct de l’intérêt général" (rajouté) dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende» (inéligibilité incluse).
Très pernicieusement, il s’agit donc de réduire en le supprimant, le risque «gestion de fait de fonds publics», de dépénaliser les situations ou l’élu favorise un tiers avec qui il n’a pas de lien personnel pour en retirer malgré tout un avantage. Favoriser un membre de sa famille civile continuerai d’être considéré comme un délit, mais pas la faveur accordée à sa «propre famille politique», à sa propre association, voire à une autre structure rattachée administrativement (intérêt général) à sa «propre» personne.
Le Sénat, club d’élus locaux, a naturellement voté ce texte comme un seul homme et il ne serait pas étonnant que l’Assemblée Nationale en fasse autant avec la même unanimité.
En résumé, la modification du texte, tend à exclure le délit de prise illégale d'intérêt d'un élu local en l'absence d'enrichissement personnel. Ca vaut le coup (en anglais : worth it) d’essayer.
Rapport à l’actualité : si cette loi était votée, un des présumés chefs d’accusation à l’encontre du ministre Woerth, qui précisément, ne manquera pas de plaider «l’absence d’enrichissement personnel», pourrait bien tomber.
C’est la nouvelle piste incidemment découverte par Médiapart qui s'est procuré le rapport sur les comptes 2008 de ce mystérieux parti «woerthien» (agréé en janvier 2008 et basé à Senlis), auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (en usant du droit à l'accès aux documents administratifs).
On y découvre que ce parti sans adhérents et donc sans cotisation, a une trésorerie plus que confortable, ce qui en soit n’est pas répréhensible.
Par contre, « dans la colonne «produits», on s'aperçoit que «l'Association de soutien à l'action d'Eric Woerth» a bénéficié, au fil du temps, de quatre versements de la part de l’UMP : 3.000 euros les 30 mai et 24 décembre 2008, 5.250 euros le 9 mai, carrément 55.000 euros en janvier.En clair, Eric Woerth, trésorier du parti présidentiel, s'arrange pour que l'UMP finance un parti politique local à son service... Le ministre est à l'origine, en même temps qu'à l'arrivée, des subventions, se mettant lui-même sous perfusion. Sacrée confusion des genres... On comprend mieux qu'Eric Woerth ne dise mot sur cette «Association»... »
Si ce n’est pas de la prise illégale d’intérêt, çà y ressemble énormément !
Mis à part les mésaventures du négociateur missionné pour élaborer, dans l’intérêt général, une réforme des retraites crédible, cette loi n° 268 est faite pour encore simplifier le travail du juge d’instruction et participer à justifier sa disparition programmée. Au surplus, elle risque de tomber à-pic dans l’affaire Woerth-Bettencourt, un peu comme les bidouillages dont a bénéficié la scientologie en 2009. Elle va aussi dans le même sens que la dépénalisation du droit des affaires, à savoir une trentaine de mesures pour «rendre aux Français le goût d'entreprendre» dixit le Pdt de la République devant le Medef en 2008, tout en évitant à ses fidèles du Fouquet’s de se trouver en délicatesse avec le code pénal.