Nous voici, pour quelques instants, ŕ des années-lumičre du brouhaha de la Ťgrandeť actualité aéronautique, pour un petit moment de bonheur simple, dans le souffle des hélices et le bruissement des planeurs. La scčne se déroule dans un décor provençal baigné de soleil, sur l’aérodrome de Vinon-sur-Verdon. Une assemblée sympathique y célčbre la licence de pilote instructeur de planeur d’Eric Deluy. Ce devrait évidemment ętre un non-événement ne justifiant męme pas un entrefilet dans Var-Matin ou dans La Provence. Et, pourtant, c’est un moment important.
Eric Deluy, jeune pilote habité par une vraie passion, a perdu l’usage des jambes ŕ la suite d’un accident survenu lors d’un vol d’épandage agricole. Il n’a pourtant pas imaginé un seul instant qu’il poursuivrait sa vie en fauteuil roulant ou sur des béquilles mais, en un premier temps, il n’a pas espéré pour autant retrouver Ťl’étrange bonheur de volerť (1), si ce n’est en passager inerte. Puis sont intervenues de belles rencontres, pleines d’amitiés et de volonté de changer le monde – ou plus exactement les réglementations.
Il ne suffisait évidemment pas d’équiper quelques avions et planeurs de malonniers (2) pour contrer le destin et résoudre les difficultés. Parce que les bonnes volontés se sont rencontrées au bon moment, un mouvement d’action et de réformes s’est mis en place, trčs naturellement. Il s’est structuré autour de l’Association de gestion des fonds d’insertion pour les personnes handicapées (Agefiph), la direction générale de l’Aviation civile (DGAC), la Fédération française de vol ŕ voile, l’Association aéronautique Vinon Alpilles (AAVA), l’Association Castel-Mauboussin.
Un autre handicapé moteur, Eric Dabas, avait déjŕ été lâché sur avion puis planeur ŕ malonnier, ouvrant des horizons nouveaux ŕ de jeunes pilotes qui se croyaient ŕ tout jamais cloués au sol. Mais, cette fois-ci, une nouvelle étape a été franchie grâce ŕ une avancée Ťemblématique et exemplaireť, pour reprendre les termes de François Atger, de l’Agefiph. Il s’agit d’une réussite qui rayonne bien au-delŕ du petit monde de l’aviation légčre et sportive dans la mesure oů elle contribue ŕ changer le regard sur le handicap et peut aider ŕ éradiquer la discrimination. Eric Deluy n’en demandait pas tant mais le voici, bien malgré lui, hissé au niveau d’exemple ŕ suivre.
Maxime Coffin, chargé de l’aviation Ťgénéraleť au sein de la DGAC, est venu ŕ Vinon pour profiter de ce moment de grande cordialité. Ť C’est un point d’étape mais il reste beaucoup ŕ faire ť, s’est-il empressé de souligner. Didier Haus, vice-président de l’AAVA a dit pour sa part la difficulté ŕ ne pas surprotéger les Ťhandisť et, en męme temps, ne pas les ignorer. Un équilibre délicat que connaît bien Dominique Lance qui a patiemment monté les dossiers de l’Agefiph et qui espčre beaucoup plus encore pour l’avenir.
Il fallait de dire haut et clair. Ne serait-ce que pour nous rassurer, rappeler urbi et orbi que l’aviation n’a en rien renié ses belles origines, qu’elle compte toujours dans ses rangs de nombreux passionnés capables de transmettre des élans de générosité, de camaraderie et la volonté de partager. Eric Deluy, son ami Eric Dabas, rejoints par d’autres, portent des responsabilités dont ils peuvent ętre fiers. Et nous nous devons de leur dire merci.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(Photo: M.S.)
(1) Cette belle expression est de la championne de voltige Catherine Maunoury.
(2) Malonnier : ce néologisme qualifie l’équipement qui permet de supprimer les palonniers et de piloter sans l’usage des pieds.