Si la décision de la cour d’appel n’est pas exécutée dans les deux semaines, Total devra payer 100 000 euros d’astreinte par jour à partir du seizième jour. Pour les 367 salariés de la Raffinerie des Flandres, leurs avocats et les organisations syndicales, la victoire est historique. « C’est la première fois que la justice impose la réouverture d’un site industriel », résument-ils. « Total a procédé à une fermeture provisoire de la raffinerie en septembre sans consulter le CCE, explique Me Roger Koskas, avocat du CCE. La direction a ensuite transformé le provisoire en définitif et ouvert la consultation alors que l’usine était déjà fermée. La cour d’appel a donc considéré qu’il y avait un trouble manifestement illicite. » En première instance, le tribunal de Dunkerque avait condamné Total à verser 9 000 E aux représentants du personnel (une somme correspondant en fait aux frais d’avocat engagés) pour non-respect de la procédure d’information. Contrairement à ce que réclamaient les salariés, il n’avait en revanche pas ordonné la reprise du raffinage… « Pour la cour d’appel, on s’attendait à « une justice de classe », comme à Dunkerque, c’est-à-dire à une justice qui donne raison aux « petits » salariés mais sans réellement condamner le « géant » Total. Aujourd’hui, c’est une vraie surprise », confie Marcel Croquefer, du pôle chimie de la CGT.
« On ne s’y attendait vraiment pas. Ça fait chaud au coeur, et surtout, ça fait descendre Total de son piédestal, lui qui nous méprisait.
Chacun son tour ! », se réjouit Lionel, 55 ans, qui travaille à la Raffinerie des Flandres depuis trente ans. «
C’est un petit coup de massue pour Total », enchaîne Terence, 38 ans. « Il y a au moins une justice, et ce soir, on rentrera avec un meilleur moral à la maison », sourit Pierre, 44 ans.
« Fort et symbolique »
Autre réaction, celle de Philippe Wullens, délégué SUD : « Cela démontre qu’il y a une loi et que Total ne peut plus s’asseoirdessus. » « Le plus drôle, enchaîne Dimitri, jeune salarié de la Raffinerie des Flandres,c’est que j’ai appris la nouvelle en sortant d’une réunion d’information sur le centre de formation que Total nous proposait. Ce redémarrage, on se bat depuis le 12 janvier pour l’obtenir. Que va faire Total ? Je ne sais pas, mais cette décision de la cour d’appel est forte et symbolique. » « On va être très vigilants sur ce que va faire la direction de Total, prévient Marc Pigeon, délégué CGT.
Le groupe va devoir organiser un nouveau CCE extraordinaire dans les plus brefs délais et tout mettre en oeuvre pour redémarrer la raffinerie. Pour Total, ça va être un gros casse-tête car il va falloir trouver des sous-traitants qui ne sont pas forcément disponibles actuellement. »
La direction de Total, justement. Aujourd’hui, elle a la possibilité de se pourvoir en cassation, « mais l’arrêt de la cour d’appel est exécutoire », dixit Me Patrick Tillie, autre avocat des salariés de la Raffinerie des Flandres. En clair, si Total décide de faire appel de la décision d’hier – la procédure pourrait prendre un an -, le groupe n’échappera pas à l’astreinte de 100 000 E s’il n’entame pas le processus de redémarrage du site.
Et Dimitri de conclure : « Total reprendra certainement une procédure d’information-consultation au niveau du CCE, mais qui nous dit qu’il ne prendra pas des mesures de licenciement ou un PSE pour se venger ? Personnellement, je le crains car « ils » sont capables de tout. » •
La CGT a menacé d’appeler à la grève sur l’ensemble des sites Total en France si le groupe pétrolier n’exécutait pas l’arrêt.
La Voix du Nord du jeudi 1er juillet 2010, PAR OLIVIER DUFOURG