L’œuvre littéraire de Georges Clemenceau reste peu connue. Cependant, celui-ci, en dehors d’écrits politiques et sociaux, aborda au long de sa vie presque tous les genres, du roman (Les Plus forts, 1898) au théâtre (Le Voile du bonheur, 1901) en passant par les essais philosophiques et historiques (Démosthène, 1926, Au soir de la pensée, 1927). Il écrivit en outre, en 1928, un passionnant ouvrage consacré à l’art, Claude Monet, Les Nymphéas qui, épuisé depuis longtemps, vient d’être réédité (Bartillat, collection Omnia, 166 pages, 13 €), avec une intéressante préface de l’historienne de l’art Dominique Dupuis-Labbé.
Singulière rencontre, que celle de ces deux géants issus d’une même génération, d’un côté l’homme d’Etat qui gouverna la France pendant la tourmente du premier conflit mondial, de l’autre le plus représentatif, sans doute, des peintres impressionnistes ! Il est vrai que l’amitié fraternelle qui les unissait et qui avait pris naissance au quartier Latin dans les années 1860, s’inscrivait dans un contexte très différent du nôtre – s’agissant notamment du profil culturel des édiles. Sous la IIIe République, il n’était en effet pas rare d’entendre les parlementaires, à la Chambre ou au Sénat, émailler leurs joutes oratoires d’allusions littéraires ou de citations latines… Nous étions bien loin des consternantes préoccupations footballistiques des élus d’aujourd’hui. Et, si Clemenceau fut ministre de l’Intérieur, il ne lui serait jamais venu à l’esprit d’émettre un avis défavorable sur la connaissance des textes classiques – La Princesse de Clèves, par exemple…
Autant inspiré par l’amitié que par la sûreté de son œil, le Tigre n’hésite pas, en outre, à sortir ses griffes lorsqu’un collectionneur (ici, le baryton Jean-Baptiste Faure) commet l’erreur de bouder Le Lever de soleil à Vétheuil ou qu’un critique d’art, Louis Gillet, prétend ne voir dans la peinture du maître que des « mirages qui n’ont d’existence qu’en lui-même » ou avance que l’artiste « se donne des fêtes d’art à propos de réalités indigentes ».
Illustrations : Georges Clemenceau, photographie - Claude Monet, l’une des toiles de la série Les Nymphéas.