La dernière ligne des défenseurs d'Eric Woerth est que sans lui la réforme des retraites serait compromise. Mais est-ce bien le cas. Thierry Desjardins, qui rappelle que Xavier Darcos en fut d'abord chargé, en doute. J'ajouterai, m'appuyant sur ce qu'Aristote dit dans son Traité de rhétorique, qu'un gouvernement ne peut persuader les citoyens de la nécessité d'une réforme ou d'un changement que s'il est jugé apte à préparer et prévoir l'avenir de manière raisonnable, s'il donne le sentiment de s'être préoccupé, dans ses prises de décision, des autres et si, enfin, il passe pour honnête et plus soucieux de l'intérêt général que de son intérêt personnel. C'est le prix, élevé, à payer pour obtenir la confiance des citoyens.
Si tant de réformes échouent, c'est que ceux qui les veulent sont en défaut sur l'un ou l'autre de ces points. Malgré tous leurs efforts de communication, on ne les croit plus capables de prendre des décisions raisonnables parce qu'ils en ont pris trop de mauvaises. On doute de leur bienveillance parce qu'ils se sont trop souvent comportés en égoïstes plus attachés à la poursuite de leur intérêt personnel qu'au bien-être de la collectivité. Et on met en cause leurs motivations, parce qu'ils ont trop souvent menti et caché les motifs réels de leurs décisions. Leur passé les rattrape et parle pour eux.
Or, qui peut aujourd'hui croire qu'Eric Woerth est une garantie de fair-play et d'honnêteté après les informations publiées par Mediapart sur ses mésaventures dans les années 90 dans l'Oise (et ses salaires dénoncés par la Cour des Comptes régionale)? Bien loin d'être un atout, ce malheureux ministre qui avait su faire oublier ses faiblesses passées et son compagnonnages avec Jean-François Mancel est un handicap pour le gouvernement. Nicolas Sarkozy qui n'est pas sot l'a certainement compris, mais peut-être manque-t-il de cette force de caractère qui lui permettrait de trancher dans le vif.