La Coupe bat son plein. Parfois la Coupe est pleine. Celle du Monde de football pour l’équipe de France vouée aux gémonies après
sa piteuse prestation. On oublie que le football n’est qu’un jeu.
J’aime ce sport parce que –ainsi que l’a dit un généticien – les singes ne joueront jamais au football. Il
faut allier virtuosité technique et vision collective. La somme des talents individuels ne fait pas une équipe. Il faut y ajouter le don et l’intelligence. Mais les singes se pressent surtout
autour du terrain et des joueurs. Il s’agit de lever le menton et de montrer qu’on domine, « qu’on en a », de dégager le maximum de testostérone, de brandir l’honneur du drapeau.
Et l’on oublie la fluidité, la délicatesse, les débordements des ailiers (ceux qui ont des ailes), la caresse des balles (souvenir de Garrincha). Et l’argent vient polluer la fête ce qui pousse
de nombreux intellectuels à mépriser ce nouvel opium du peuple, manière d’ailleurs pour les élites de mépriser ce peuple qui s’enflamme pour ce jeu, de mépriser les joueurs souvent d’origine
modeste. J’engage à lire à ce sujet le petit livre de Jean Claude Michea : « Les intellectuels, le peuple et le ballon rond » aux éditions
Climats. Dommage d’escamoter la chance que représente ce Mondial : chance d’accéder à d’autres cultures, chance de comprendre aussi le caractère fictif (au sens de création de
fictions) des cultures et par conséquent de la nôtre. Parce que chacun écrit le roman de sa vie, chaque peuple écrit sa saga comme il y eut celle de l’équipe « black, blanc, beur »,
comme aujourd’hui on cherche à exorciser la honte de la défaite en lâchant à la vindicte des boucs émissaires. Et ce sont les mots de Nancy Huston qui me viennent aux lèvres : « La spécificité de notre espèce, c’est qu’elle passe sa vie à jouer sa vie. »
Maurice Lévêque
[ Dennis Gallardo, peinture extraite de l'éphémère …, roman graphique à sortir fin 2010)]