Le mot sort a bien des sens ; mais tous éveillent une idée de chance, de hasard, d'anticipation sur la destinée : les Anciens tiraient les sorts ; nos conscrits tiraient au sort. Un sens un peu spécial est donné au mot dans l'expression "jeter un sort". C'est de ce sort et de ceux qui le jettent qu'il est question ici.
Le sortilège ou le sort devint donc l'oeuvre magique par excellence et l'on nomma sorciers les magiciens capable d'opérer dans l'ordre des choses des transformations subites, imprévues, extraordinaires. Le sorcier a la réputation de projeter une force extra-naturelle, et c'est ce que le langage traduit par l'expression jeter un sort.
L'oeuvre magique n'est pas forcément maléfique. Un sorcier peut être occasionnellement bienfaisant, notamment quand il guérit des maladies. Mais comme la tradition veut qu'il tienne ses pouvoirs d'un pacte avec Satan, on peut imaginer que le diable tire bénéfice même du bien qu'il paraît faire. Et plus ordinairement le sorcier se plaît à des oeuvres de haine. Il y est tellement façonné que, même involontairement, il jette de mauvais sorts et sa rencontre seule passe pour porter malheur.
Mesure contre les sorts - Quand nos pères l'approchaient, ils pensaient se garantir de lui en lui faisant les cornes avec l'index et l'auriculaire de la main ; ou bien ils avaient pour préservatif de se cacher les pouces dans leurs poings fermés.
Ils disaient qu'il n'était pas bon de marcher sur la jarretière tombée de la jambe d'une sorcière, à moins que l'on n'eût sur soi un fragment de cierge pascal. Ce cierge, ou celui de la Chandeleur, l'eau de la neige tombée à Noël, le rameau de buis bénit servaient à neutraliser les effets des sorts. Ils en cousaient dans la courtepointe des nouveau-nés, faisaient tomber des gouttes de cire bénite sur la corne gauche de leurs bestiaux et leur donnaient à manger du fenouil poussé en terre sainte des cimetières.
Article de 1933 - Voir aussi les "illustrations 1933" dans l'album photo.