« Je passe mon temps à regarder Da. J'aime la regarder. Son visage, complètement fermé. Les lèvres serrées. Des milliers de rides. Les rides en se croisant forment des lettres de l'alphabet : des F, des Z, des H, des X, des Y, des T, des I, des L et des K, mais rarement des M, des G ou des Q. Il y a aussi des W, et même un O. »
L'histoire d'une grand-mère et de son petit-fils, le récit d'une enfance à Haïti, celle de l'auteur, les copains, la fille dont on est amoureux, la mangue juteuse qui dégouline sur son menton et soudain, c'est celui qui est armé qui décide.
Dany Laferrière le dit, il a écrit ce livre pour une seule raison, revoir sa grand-mère, Da. Il présente ses souvenirs d'enfance sous forme de courts chapitres, de véritables tableaux vivants qu'il décrit avec douceur.
L'odeur omniprésente du café, tellement importante qu'un autre
livre porte son nom, le sorcier du village qui prédit au petit garçon un avenir différent, les enjeux
politiques d'un pays qui apparait brusquement à la dérive, la langueur due à la chaleur éveillée subtilement par l'écriture qui m'a parfois fait regretter l'absence d'expressions créoles.
Heureusement, les délicieux prénoms vernaculaires pimentent et colorent les pages.
"En écrivant en français, je tue ma langue, le créole.
Et personne ne m'a jamais dit : Mes condoléances."
Étant, moi aussi, bilingue d'une langue parlée par une minorité, je ne peux qu'être touchée par cette déclaration d'amour pour une langue méconnue.
Et puis, cet hommage permanent, éclatant, résonnant à chaque mot, d'une tendresse infinie envers Da la généreuse, la combative, celle que tout le monde respecte même les chiens qui s'auto-proclament seigneur et maître.
Un livre aussi poétique que son titre. Une parenthèse emplie de grâce.
Serpent à plumes, 295 pages, 1999
Un extrait...
« Les mères passent leur temps à venir voir si leur fille n'est pas dans les parages. Comme toujours, les mères n'ont aucune idée de la façon que cela se passe. Car si un type veut embrasser une fille, tu peux être sûr qu'il ne restera pas sur le port avec elle. Il l'emmènera plutôt du côté du Lambi club. Il n'y a jamais personne dans cette zone. A part les amoureux, bien sûr. Mais les mères n'ont aucune idée de la réalité. Elles surveillent toujours le mauvais type pendant que leur fille est avec Tony dans une des cabanes abandonnées près de la plage. Les mères croient que Tony est un bon garçon parce qu'il a un visage d'ange et « des manières exquises », comme dit madame Jérémie, la mère de Charline, celle qui a les plus gros seins de l'école des Sœurs. Alors que ce type est un véritable tueur. Tony ne fait jamais de cadeau. La première fois qu'il rencontre une fille, il l'emmène à coup sûr à la cabane. Mais c'est Frantz, la terreur des mères. Alors que le problème de Frantz, c'est qu'elles veulent toutes l'emmener à la cabane. Ah, les mères ! »
Lu dans le cadre du...
que je remercie pour cette découverte.
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Par Theoma - Publié dans : Romans français - Communauté : LitteratureEcrire un commentaire 0 - Voir le commentaire - Voir les 0 commentaires - Partager Précédent : Récap des titres choisis Retour à l'accueil