Régulièrement le sujet du conflit entre journalistes et blogueurs revient sur le devant de la scène, souvent à la faveur de la diffusion d’une rumeur qui se propage à la vitesse de l’éclair grâce à Internet, que l’on met alors en accusation, confondant allégrement le support et les contenus. Internet n’est qu’un nouveau support de diffusion comme la télé en son temps, que l’on a accusée elle aussi de tous les maux.
Ce nouveau support entre en concurrence avec le papier et ce d’autant plus qu’il lui ressemble (transmission de l’écrit) et qu’il apporte un plus (diffusion de documents audios, vidéos, liens hypertextes…). On confond aussi souvent l’opposition Internet/papier avec les oppositions gratuit/payant et professionnel/amateur. Or ce sont des axes différents qui peuvent se recouper mais qui ne se confondent pas.
Notre nouveau système médiatique est d’une grande richesse : il comprend les journaux papiers, les sites Internet, les plateformes de diffusion (Youtube, Dailymotion…), les réseaux sociaux (Twitter, Facebook…) et les blogs. Et dans chacun de ces domaines les problématiques ou axes évoqués ci-dessus sont présents.
Un groupe de presse « historique » comme Le Monde comporte une version papier payante, une version papier gratuite (Direct Matin), un site Internet avec une partie gratuite et une partie réservée aux abonnés, un compte Twitter, une page Facebook et une plateforme de blogs tenus par des journalistes ou des citoyens…
Aux premiers temps des blogs, les blogueurs étaient de simples citoyens, des militants ou des professionnels d’un domaine (souvent des avocats ou des informaticiens) sur lequel ils témoignaient. Aujourd’hui la presse traditionnelle incorpore le système des blogs : les journalistes tiennent leur blog, les articles peuvent être commentés par les lecteurs et il existe des journaux uniquement en ligne, comme Le Post pour reprendre l’exemple du Monde, où les journalistes constituent l’ossature du journal et les blogueurs les pigistes.
Citoyens, experts, militants, journalistes, tous ces mondes s’interpénètrent avec en arrière plan la problématique de la rémunération et de la déontologie professionnelle. Les blogueurs qui collaborent avec des journaux constituent une main d’œuvre gratuite ou au mieux sous-payée. Les blogueurs experts de leur domaine apporte une finesse et une qualité d’information de 1ère main difficile à égaler. Les blogueurs citoyens apportent une liberté de ton, une fraicheur.
Tout cela amène une concurrence entre journalistes et blogueurs qui ne se passe pas toujours très bien, même si les journalistes gardent l’avantage de l’accès aux sources – avec la possibilité de les vérifier par leurs réseaux – et du temps disponible pour ce qui est leur métier, ce que n’ont pas les blogueurs dont ce n’est pas l’activité principale. Les journalistes fustigent les blogueurs, les blogueurs montrent du doigt les manquements des journalistes ou leur donnent même des conseils…
Et dans ce monde en plein effervescence qui n’a pas encore trouvé un modèle économique équilibré – car tout travail mérite salaire – et qui est obsédé par le scoop, la rumeur vient souligner ses dysfonctionnements.
Ainsi récemment le parlement européen a été accusé de s’attaquer au Nutella ou à la vente des oeufs à la douzaine. Les blogueurs ont repris l’info ici ou là, les réseaux sociaux l’ont amplifiée – il y a une page Facebook « touche pas à mon pot de Nutella » – mais les journaux comme Le Nouvel Obs ou Le Point n’étaient pas en reste.
Or il s’avère que c’était une information inexacte suite à une déclaration ambiguë du fabricant de Nutella ensuite déformée par un député italien sur Facebook, comme le révèle la député européenne Corinne Lepage sur son blog. Ce qui ressemble fort à du marketing viral.
Quand une information ne passe pas d’emblée par le circuit journalistique traditionnel, de fait la vérification se fait à postériori alors même qu’une diffusion assez large a déjà eu lieu. Que faire ?
Il faudrait peut-être que les journalistes vérifient systématiquement une info avant de la reprendre à leur compte et que les citoyens soient moins prompts à partager une information de source non labellisée ou fiable… Mais c’est tellement facile de cliquer…
Tagged: blog, internet, presse, réseau social
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 01 juillet à 12:54
Depuis une bonne dizaine d'années, on assiste en effet à un manque de rigueur journalistique.
On dirait que, justement à cause des blogues et autres, les journalistes ne savent plus quoi faire pour être les premiers à lancer la nouvelle.
Dans la tuerie du Collège Dawson à Montréal, Québec, pas un journaliste ne racontait la même histoire. Un seul, à ma connaissance, a démontré son intégrité professionnelle en refusant d'avancer quoi que ce soit avant d'être assuré de détenir LA bonne information. Ce journaliste est Benoit Dutrizac.
Bravo, Monsieur Dutrizac !